"L'éducation religieuse doit être fondée sur la psychologie de l'enfant."
Maria Montessori a fait œuvre scientifique en matière de religion; elle a donné à l'éducation religieuse des fondements qui correspondent aux aspirations psychiques de l'enfant. Comme pour toute autre aptitude fondamentale, Maria Montessori a observé que le développement spirituel de l'enfant répond aussi à des périodes sensibles.
La première période sensible religieuse de l'enfant se situe entre 0 et 3 ans. Elle va de paire avec la période de l'esprit absorbant où l'enfant s'imprègne de façon phénoménale de son environnement. Elle est donc tout simplement essentielle. Sa méconnaissance pourrait permettre de comprendre pourquoi chez beaucoup d'adultes la religion se trouve réduite à une pure affaire de morale...quand elle n'est pas reléguée au "grenier" pour le peu de "valeur ajoutée" qu'elle semble apporter...
Dans ses conférences, Maria Montessori a développé les grandes lignes de l'éducation religieuse. Il ne sera pas ici question de matériel. Nous reviendrons sur cette question au fil du développement des enfants.
RELIGION ET ESPRIT ABSORBANT
Nous savons tous qu'un environnement bien préparé est un des points les plus importants de cette pédagogie. Pour l'instruction religieuse, il en est de même. L'environnement n'est pas ici réductible au matériel. C'est avant toute chose les lieux où se situe l'action religieuse elle-même.
Nous montrons à nos enfants de belles images ou de beaux tableaux afin de les sensibiliser au beau. Nous faisons écouter à nos enfants différents styles de musique pour qu'ils en aient plus tard le goût. Pour éduquer le sens religieux, nous devrions faire de même A une différence près précise Maria Montessori: en faisant attention à ce que la religion ne soit jamais une simple "matière" parmi d'autres.
Elle précise ainsi : "Les écoles qui incluent la matière religieuse, traitent la religion comme une matière entre autres. Cela est une conception fausse. Je parle contre cette erreur, car la religion est plus que cela, elle est quelque chose de beaucoup plus grande et elle est totalement différente. Elle n'est pas une matière!" (cf son discours sur l'éducation religieuse à Londres en 1946)
"Il faut réfléchir à ce que la religion est un sentiment universel qui existe dans chaque être humain maintenant et depuis toujours. Ce n'est pas quelque chose qu'on doit amener à l'enfant.(...) La religion est quelque chose qui est à l'intérieur de chaque âme. (...)
Si la religion nous manque, il nous manque quelque chose de fondamental pour le développement de l'être humain. "
Alors comment faire pour que l'enfant puisse "spontanément" développer son axe spirituel? La question se pose d'autant plus aujourd'hui que la religion relève le plus souvent de la sphère privée. L'enfant est donc de plus en plus rarement au contact des grandes manifestations religieuses. Et pourtant son aspiration est là...Elle attend cette rencontre avec le sacré...
"C'est un sentiment qui est là et qui se développe. C'est quelque chose de vivant qui doit se développer par l'influence de l'environnement. Nous devons aménager un bon environnement, cela est fondamental."
Déjà, dans
l'environnement proche, donc à la maison, l'enfant doit pouvoir côtoyer des images "saintes", des statues,
un lieu de prière, des objets religieux. Quand l'enfant voit ces objets autour de lui, ils doivent avoir une importance, une beauté particulière qui attire le regard de l'enfant. C'est l'activité caractéristique propre à
l'esprit absorbant qui lui permet de développer très tôt une véritable dynamique spirituelle.
"Si nous réfléchissons, nous pouvons reconnaître que l'éducation religieuse est particulièrement importante à l'âge où l'enfant absorbe tout de son environnement. Cette façon d'absorber est un cadeau de la nature. Pendant ce temps, l'enfant doit trouver la nourriture pour son développement spirituel. C'est la période de 0 à 6 ans. (...) Le sentiment religieux est crée pendant cette période et ne sera plus tard que développé. C'est pour cela que cela nous amène à déduire que nous devons enseigner la religion aux enfants tout petits. Je pense que nous devons enseigner la religion dès la naissance."
Voilà une interpellation qui ne manquera pas de surprendre. Mais, là encore, le principe posé par Maria Montessori trouve son origine au cœur de ses expériences auprès des enfants.
C'est pour cette raison qu'elle recommande fortement aux parents d'emmener l'enfant à l'église de sorte qu'il participe dès sa naissance aux cérémonies religieuses. Ses sens tout en éveil s'imprègneront profondément des rites qui d'abord le berceront avant d'être "captés" par son regard attentif.
L'ENFANT: CET EMBRYON SPIRITUEL
Maria Montessori défend la réalité spirituelle que représente l'enfant. Elle a su discerner en lui ce sens de l'élévation qui porte tout homme à dépasser la stricte réalité matérielle.
"Il y a, comme vous l'avez vu, dans l'enfant une attirance qui est bien plus haute que la vie matérielle. Cette tendance d'élévation existe toujours. Il est naturel pour l'esprit de continuer dans l'abstraction. L'esprit aussi a tendance a s'élever et l'être humain doit être compris de cette façon: il ne reste pas sur le même niveau mais aspire vers le haut. Nous avons pu observer dans nos écoles comme l'enfant est intéressé par "la vie dans l'église". Les lumières par exemple, les bruits bas, le silence, la façon dont les gens bougent... tout cela intéresse énormément les petits enfants."
Et Maria Montessori poursuit plus loin: " Nous voyons donc, qu'il y a une période sensible chez l'enfant qui lui permet de saisir la religion de façon sensorielle.
A cet âge, l'enfant ne possède pas qu'une grande finesse de sensibilité, mais aussi l'aptitude de comprendre beaucoup plus profondément que ce que nous apercevons nous-même. Et parmi les sensibilités que l'enfant possède à cet âge, est le besoin de se sentir protégé, et le sentiment d'être certain qu'il est protégé. C'est pour cela qu'il est nécessaire que la mère qui donne l'éducation religieuse à un enfant si jeune, lui laisse sentir qu'il y a une protection surnaturelle, qu'il y a une protection très puissante.
Un enfant de cet âge-là est très intuitif et la mère parle de même avec une facilité des anges-gardiens qui protègent l'enfant, de Dieu prend part à cette protection. La mère apprend à l'enfant les premières prières.
Il est, comme nous l'expliquons avec notre pédagogie, fondamental, de donner à l'enfant ce dont il a besoin pour son auto-développement pour le libérer ensuite pour l'autonomie. Dans toutes les situations nous devons garder à l'esprit la phrase "Aide-moi à faire seul!". C'est pour cela, il faut donner les aides d'une façon très subtile. Nous ne devons pas penser qu'il est difficile d'instruire l'enfant du sens religieux. Au contraire, nous devons être conscient que l'enfant a une sensibilité extraordinaire et nous devons faire attention et procéder très lentement quand nous proposons à l'enfant l'instruction religieuse."
Selon Maria Montessori, l'éducation religieuse à cet âge se fait également par les histoires. Des histoires simples. Des histoires bien choisies. Le point central devrait être la Nativité. Les livres pour enfants qui parlent de la naissance de Jésus doivent être simple, avec des belles illustrations et beaucoup de vie...Le mystère de Noël est donc naturellement le cœur de l'éveil religieux des plus petits. C'est au contact de la Crèche qu'ils peuvent déjà sentir la grâce de cette grande vérité développée par les Pères de l'Eglise: "Dieu s'est fait homme, pour que l'homme soit fait Dieu". Dans l'Eglise le temps liturgique qui entoure Noël dure près de 3 mois (de l'Avent à la fête de la présentation au temple le 2 février). Pendant le temps d'un trimestre nous avons l'occasion de permettre à l'enfant d'absorber le plus beau des mystères. Si nous utilisons vraiment ce temps avec l'enfant entre ses 3ans et ses 6 ans, nous lui aurons offert rien de moins qu'un an de "médiation" autour de la naissance de Jésus. Qui a conscience de ce qu'est l'esprit absorbant pourra facilement imaginer la sensibilité religieuse que l'enfant aura déjà développé...
MORALE ET RELIGION
L'une des caractéristiques de la pédagogie Montessori en matière religieuse est l'absence d'implication morale au commencement. Puisque l'enfant ne connaît sa période sensible "morale" qu'entre 6 et 12 ans, une initiation religieuse avant cette âge évitera toute collision entre spiritualité et morale. Il ne s'agit pas d'évacuer la question morale de la sphère religieuse. Il s'agit de reconnaître qu'elle ne se pose pas entre 0 et 6 ans et qu'ainsi l'enfant ne pourra pas vivre une réduction de la religion à la morale. C'est un point très important, car la religion évite ainsi de devenir un enjeu de régulation purement moral. La nature humaine est bien faite. En donnant à l'enfant une nourriture spirituelle au plus tôt, on lui permet de ne pas vivre la religion comme une simple affaire de morale. On accompagne le développement de sa conscience. C'est là le point fondamental. Car, au fonds, la religion n'est rien s'il elle n'est pas l'œuvre d'une conscience qui s'affine jour après jour. L'éducation par exemple est une affaire de conscience. Je peux avoir en tête tous les principes éducatifs que je veux, si je ne suis pas conscient des étapes qui constituent le développement psychique de l'enfant, je serai en difficulté pour l'accompagner. L'éducation religieuse doit se comprendre comme une prise de conscience progressive de la réalité dans laquelle nous vivons et de l'Information Essentielle qui l'anime. Dans cette logique, on aura compris qu'ici conscience ne rime pas avec subjectivité mais avec la plus grande objectivité qui soit. Les questions morales ne sont pas évacuées. Mais, celles-ci ne pourront jamais en épuiser le contenu. Surtout, lorsqu'il s'agit de saisir et de vivre ce que la première lettre de la Bible récapitule: l'Amour...
Pour ne pas perturber le développement des enfants en matière spirituelle, Maria Montessori insiste sur la grande vigilance qui doit être celle de l'adulte. Il nous arrive souvent d'affirmer devant les enfants des principes que nous contournons dès que nous pouvons. "Les enfants reçoivent avec confiance et sérieux tout ce que nous leur disons". Nos incohérences sont pour eux de véritables ondes de choc. Mais, ils sont aussi capables de comprendre nos faiblesses à condition que nous sachions les reconnaître...tout simplement.
L'ENFANT EST "CAPABLE" DE DIEU
Maria Montessori a souvent raconté l'histoire d'une petite fille à qui les parents avaient appris à prier pour les autres. On priait ainsi pour la cuisinière, les frères et soeurs, les parents, etc. Un jour cette petite fille voit sa maman et lui dit: "Je veux prier pour tout le monde". La prière des enfants est souvent plus vaste que celle des adultes. Elles ne possèdent pas les frontières que l'adulte mettra par la suite comme pour se protéger d'éventuelles "invasions" spirituelles...
Et Maria Montessori de s'insurger contre notre vision trop étroite: "Ne rétrécissons pas la nature de l'enfant. Donnons lui tout et pas seulement les petites choses, la nourriture et les besoins matériels. Si nous lui donnions l'idée de Dieu et qu'il ne parvenait pas à comprendre, qu'est- ce que cela aurait pour conséquence? Il ne s'agit pas d'une connaissance dangereuse. Ayons donc le courage de donner beaucoup aux enfants. Ainsi seront-ils heureux et reconnaissants. Apprenons aux enfants à prier pour tous, ainsi auront-ils de grandes pensées au fonds de leur âme. Donnons leur la religion comme une révélation. Si nous leur donnons la religion comme quelque chose de quelconque, alors quelque chose aura été abîmé dès le commencement de leur vie. (...) L'âme des enfants se nourrit de grandes choses. Ils ont faim de notre aide. Ils attendent notre aide. A quoi sert l'éducation si on ne leur donne pas cela? Les mots n'aident pas, le monde spirituel doit être ouvert aux enfants".
A suivre...nous présenterons bientôt le programme catéchétique du Bon Berger (catéchisme "montessorien") pour les enfants de 3 à 6ans.