Depuis  l’époque de Maria Montessori, la pédagogie religieuse a connu de grands  développements. De nombreux travaux scientifiques sont venus souligner  et expliciter la dynamique spirituelle des enfants. Aujourd’hui, la  recherche semble rejoindre les grandes intuitions de Maria Montessori.  On voit se dessiner progressivement une théologie de l’enfance qui  trouve ses racines dans la Révélation. Certains passages de l’Evangile reçoivent un éclairage nouveau dont la spiritualité des  adultes pourrait même tirer partie. Qu’en est-il exactement ?
Le  XXème siècle a vu naître des approches pédagogiques fondées sur des  données anthropologiques et expérimentales. L’observation de l’enfant et  de son développement devient essentielle dans la réflexion pédagogique.  L’œuvre de Maria Montessori en est l’un des plus grands témoignages. Sofia Cavalletti rapporte dans ses ouvrages la profonde expérience spirituelle et la riche conscience théologique des enfants avec qui elle a travaillé. D'autres études scientifiques se sont intéressées spécifiquement à la  question de la spiritualité des enfants. On trouve ces études notamment  dans la littérature anglo-saxonne. Parmi elles, un ouvrage écrit par  Rebecca Nye a fait date. Il s’agit  de « Children’s spirituality ». Utilisant les critères de la  méthodologie scientifique pour interviewer des enfants, R. Nye est  arrivée à l’idée que la spiritualité est une des caractéristiques de  cette période de la vie. 
Que faut-il entendre par spiritualité des enfants ?
Dans son ouvrage, R. Nye livre une première définition de synthèse suite à ses nombreuses études. « La  spiritualité des enfants est une capacité initialement naturelle pour  une conscience de ce qui est sacré dans les expériences de vie. Cette  conscience peut être ressentie ou pas, mais dans les deux cas, elle  influe sur les actions, les sentiments et les pensées. Dans l’enfance,  la spiritualité porte particulièrement sur le fait d’être en relation,  de répondre à un appel, de se relier à plus que soi seul, c’est à dire  aux autres, à Dieu, et à la  création. Cette rencontre avec la transcendance peut advenir dans des  expériences ou des moments spécifiques aussi bien qu’à travers une  activité imaginative ou réflexive » (p.6) 
Cette  définition fait apparaître plusieurs éléments qu’il est possible de  mettre en relation avec la  Tradition chrétienne. Tout d’abord, une  connaissance naturelle de Dieu notamment par ses œuvres est possible.  Une expérience intense de la vie permet à l’enfant de se mettre en lien  avec ce qui la transcende. Ce contact avec ce que la vie révèle en ses  profondeurs se traduit par une disposition spirituelle qui anime les  actions quotidiennes de l’enfant. Autrement dit, pour l’enfant la  spiritualité est une sorte de « contemplaction » par laquelle son  admiration donne souffle à son agir. L’enfant semble ainsi échapper à la  dissonance que connaissent les adultes pour qui la spiritualité est  parfois une parenthèse dans la vie quotidienne. Enfin, la spiritualité  de l’enfant met en lumière la dynamique de l’appel et de la réponse qui  tisse la relation transcendantale. De ce point de vue la révélation du  Buisson Ardent et la réponse de Moïse (Me voici !) sont archétypales de  la démarche spirituelle de l’enfant. On comprend alors toute la valeur  de la parabole du Bon Berger telle que la situe Sofia Cavalletti dans  son œuvre catéchétique. Le Bon Berger appelle chacune des brebis par  leur nom. L’enfant se sent ainsi comme une brebis connue et reconnue. Il  peut alors répondre librement à cette invitation merveilleuse. Nous  voilà bien au cœur de la  Révélation chrétienne.
Que faut-il comprendre de l’enfant pour accompagner son développement spirituel ?
Il  n’est pas toujours évident pour l’adulte d’accompagner la croissance  spirituelle de l’enfant tant son modèle psychique est différent du  nôtre. Pour y parvenir il faut le comprendre, c'est-à-dire apprendre à  voir avec son regard les réalités qu’il perçoit. R. Nye donne quelques  clés dans son ouvrage pour aider l’adulte à s’approprier ce regard de  l’enfant :
«   Les enfants ont une façon plus holistique de voir les choses. Ils ne  les analysent pas autant, si bien que leur perception a un caractère  plus mystique. 
Les enfants sont particulièrement ouverts et curieux. Aussi ont-ils une capacité naturelle d’émerveillement.
La  vie émotionnelle des enfants est au moins aussi forte que leur vie  intellectuelle. Aussi savent-ils ce que c’est de s’abandonner à des  forces qui transcendent leur contrôle.
Les  enfants manquent de connaissances sur beaucoup de choses. Pour eux, le  mystère est une réalité profonde, généralement non menaçante, amicale et  ils y répondent par un respect et une recherche de sens dans tous leurs  jeux quotidiens.
Les  enfants acceptent que leurs mots ne suffisent pas à décrire pensées et  sentiments. Aussi savent-ils que la valeur et l’importance réelle  dépassent ce qui peut être dit. Ils se sentent à l’aise dans  l’ineffable, l’indicible » (p.8).
On  comprendra ici que ce qui semble faire la faiblesse des enfants  (expression rationnelle limitée) fait en réalité leur force spirituelle.  Leur capacité spirituelle est certainement plus adaptée que celle des  adultes à la révélation d’une réalité transcendante qu’aucun mot humain  ne pourra jamais circonscrire. Comme-ci l’indicible était naturellement  la demeure des enfants. Et la Révélation la réponse à une attente  naturelle chez les plus petits d’entre nous.
Pour  accompagner les enfants, il importe donc de créer les conditions d’une  expérience religieuse et non pas seulement de délivrer un simple contenu  conceptuel dont l’enfant ne pourra pas faire sa nourriture. C’est toute  la force de la parabole du Bon Berger, et de la présentation que l’on  peut en faire, qui propose à chacun de répondre à l’appel qui lui est  fait afin de tisser une relation unique avec Lui. 
Maria  Montessori a insisté à plusieurs reprises sur la complémentarité réelle  entre adulte et enfant pour la croissance du Royaume et de l’Eglise.  Les données expérimentales et scientifiques apportent certainement un  éclairage important aux paroles de Jésus sur lesquelles nous reviendrons  par la suite. Elles tendent à montrer combien les  expériences religieuses de l’enfance sont essentielles dans le  développement de la spiritualité adulte. Si bien que les paroles  rapportées dans l’Evangile pourraient réellement fonder le développement  d’une Théologie de l’enfance pour éclairer la filiation divine que Dieu  propose à tout homme.
Vers une Théologie de l’Enfance ?
La  question peut surprendre. Les paroles de Jésus de Nazareth sur  l’enfance suscitent souvent l’incompréhension ou se limitent encore à  quelques considérations sur l’humilité qui la caractériserait. Toute  la difficulté vient du contraste entre la puissance des propos de Jésus  sur l’enfant et l’absence de définition qu’il en donne. Pour réellement  approcher le sens de ces paroles il nous invite implicitement à regarder  les enfants pour mieux saisir la nature du Royaume auquel il nous  convie. Jésus nous présente en effet l’enfant comme une parabole de la  vie en son Royaume : « si vous n’êtes pas comme des petits enfants, vous  n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux ». Phrase étonnante qui semble  nous ramener à l’essentiel. Jésus invite ses disciples à saisir quelque  chose du Royaume à travers ses paraboles aussi simples que  saisissantes. Toutes nous renvoient à une réalité de la terre dont la  dynamique peut nous aider à comprendre comment se forme le Royaume.  Mais, il ne suffit pas de saisir ces rapprochements, il  faut s’en  saisir à la manière des petits enfants jusqu’à « devenir» comme eux….
Le  contact avec les enfants semblent donc être d’une portée capitale pour  mieux situer la filiation divine que le Christ nous propose. L’enfant  n’est pas qu’un adulte en devenir. Il possède une « physionomie »  psychique spécifique dont la manifestation peut certainement nous aider à  mieux comprendre les paroles de Jésus.
L’information  que nous a donnée Jésus s’appuie sur cette réalité que l’enfant a un  « style » de vie différent de celui des adultes. D’un point de vu  spirituel, cela renverse les perspectives. L’adulte peut apprendre de  l’enfant. Si l’on veut rester au plus proche du texte évangélique, il  faut même voir la présence de l’enfant comme un véritable enseignement  spirituel. R. Nye résume cet enseignement de la façon suivante : « la  spiritualité dans l’enfance, c’est la manière d’être des enfants avec  Dieu et de Dieu avec eux »
Maria  Montessori est l’une des premières pédagogues à avoir mis en lumière  par ses expériences la spécificité spirituelle de l’enfant. Sans avoir  développé de Théologie en tant que telle, ses expériences ont contribué à  rendre visible la dynamique de croissance spirituelle des enfants. Pour  elle la finalité ultime de son approche pédagogique, c’est le  déploiement spirituel inscrit en chaque être humain. Ses travaux de  pédagogie religieuse montrent que les enfants sont capables de  participer à la grande prière de l’Eglise comme à la lectio divina des  textes sacrés. Les développements ultérieurs qui connaissent à l’heure  actuelle de magnifiques approfondissements sont une occasion pour les  familles de former une véritable Ecclesia Domestica dans laquelle  adultes et enfants se nourriront ensemble d’une expérience biblique et  liturgique partagée. Si l’on sait y prêter attention, les enfants sont  capables d’expressions religieuses dignes des écrits sur la Sagesse ou  de la prière psalmique. 
Quelle est l’information que contiennent les paroles de Jésus sur l’Enfance ?
Les  paroles de Jésus sur les enfants sont concises et fortes. Elles ne font  pas l’objet d’un quelconque développement. Mais elles sont une  invitation incontestable à voir l’enfant comme porteur d’une sagesse  spirituelle. Y aurait-il chez les enfants un « mode d’être » dont nous  aurions perdu le souvenir en devenant adulte ? Qu’avons-nous à ce point  oublié de l’enfance qui nous rende impossible l’accès au Royaume de Dieu  (« Si vous ne devenez pas comme des petits enfants »…) ? 
Reprenons  une à une ces paroles fondamentales que nous rapporte l’Evangile comme  le fait très justement Jérôme W. Berryman dans le premier tome  d’introduction à sa pédagogie religieuse. Elles sont au nombre de  huit. Rapprochées les unes des autres, elles forment un véritable  enseignement spirituel. 
1ère message : « Celui qui se fera petit »
« Les  disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : « Qui donc est le  plus grand dans le Royaume des cieux ? » Alors Jésus appela un petit  enfant ; il le plaça au milieu d’eux, et il déclara : « Amen, je vous le  dis : si vous ne changez pas pour devenir comme les petits enfants,  vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. Mais celui qui se fera  petit comme cet enfant, c’est celui-là qui est le plus grand dans le  Royaume des cieux. Et celui qui accueillera un enfant comme celui-ci en  mon nom, c’est moi qu’il accueille. Gardez-vous de mépriser un seul de  ces petits, car, je vous le dis, leurs anges dans les cieux voient sans  cesse la face de mon Père qui est aux cieux » (Mathieu, 18, 1-5).
« Ils  arrivèrent à Capharnaüm. Lorsqu’il fut dans la maison, Jésus leur  demanda : De quoi discutiez-vous en chemin ? Mais ils gardèrent le  silence, car en chemin ils avaient discuté entre eux pour savoir qui  était le plus grand. Alors il s’assit, appela les douze, et leur dit :  « Si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous les  serviteurs de tous. Et il prit un petit enfant, le plaça au milieu  d’eux, et l’ayant pris dans ses bras, il leur dit : « Quiconque reçoit  en mon nom un de ces petits enfants me reçoit moi-même, et quiconque me  reçoit, reçoit non pas moi, mais celui qui m’a envoyé » (Marc, 9, 33-37)
« Or,  une pensée leur vint à l’esprit, savoir lequel d’entre eux était le  plus grand. Jésus voyant la pensée de leur cœur prit un petit enfant, le  plaça près de lui, et leur dit : « Quiconque reçoit en mon nom ce petit  enfant me reçoit moi-même ; et quiconque me reçoit, reçoit celui qui  m’a envoyé. Car celui qui est le plus petit parmi vous tous, c’est  celui-là qui est grand » (Luc, 9, 46-48)
Ces  textes font apparaître plusieurs éléments qui peuvent nous permettre de  préciser la valeur spirituelle des dispositions psychiques de  l’enfance. Jésus intervient ici pour répondre à une interrogation  des  disciples. Savoir « qui est le plus grand » ? Autrement dit qui a le  plus de pouvoir. Comme à son habitude, Jésus donne une réponse qui ouvre  une réflexion. Ici il place un petit enfant au milieu des disciples.  Car l’enfant encore jeune cherche à être en relation plutôt qu’à avoir le pouvoir.  L’enfant ne recherche pas la place d’honneur mais simplement sa place  dans la communauté humaine. L’adulte en revanche cherche souvent à faire  de la place autour de lui… Jésus, après son baptême et avant de  commencer son ministère, affrontera dans le désert cette tentation du  pouvoir (possession des royaumes du monde). Pour vaincre cette  tentation, Jésus nous invite à regarder la relation que les enfants ont  avec leur entourage et leur environnement. Un deuxième point important  concerne l’identification que Jésus fait entre l’accueil d’un enfant et  l’accueil que l’on pourrait lui faire. Accueillir un enfant, c’est  accueillir Jésus lui-même. A nouveau le propos est autant puissant que  simple. Il laisse entendre que la vie au contact des plus petits est une  occasion unique et privilégiée de tisser une relation avec lui. Le  contact avec eux est une aide pour se préserver d’un certain orgueil de  la vie. Enfin, Jésus semble leur reconnaître une faculté spirituelle  spécifique lorsqu’il affirme que leurs anges dans les cieux voient sans  cesse la face de son Père. Cette parole nous ramène à cette disposition  spirituelle toute particulière qui semble caractériser la période de  l’enfance. Les recherches mentionnées plus haut font état de réactions  des enfants tout à fait étonnantes en matière religieuse.
2ème message : « Laissez-venir à moi les petits enfants… »
« Alors  des gens lui amenèrent des petits enfants afin qu’il pose les mains sur  eux et prie pour eux. Mais les disciples leur firent des reprochent.  Jésus dit : « Laissez les petits enfants, ne les empêchez pas de venir à  moi, car le Royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent »  (Mathieu 19, 13-15).
« On  présentait à Jésus des enfants pour les lui faire toucher ; mais les  disciples les écartèrent vivement. Voyant cela, Jésus se fâcha et leur  dit : « Laissez les enfants venir à moi. Ne les empêchez pas, car le  Royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. Amen, je vous le dis :  celui qui n’accueille pas le Royaume de Dieu à la manière d’un petit  enfant n’y entrera pas. Il les embrassait et les bénissait en leur  imposant les mains » (Marc, 10, 13-16).
« On  lui amena aussi les petits enfants afin qu’il les touchât. Mais les  disciples, voyant cela, reprenaient ceux qui les amenaient. Et Jésus les  appela et dit : « Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les  empêchez pas car le Royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent.  Je vous le dis en vérité, quiconque ne recevra pas le Royaume de Dieu  comme un petit enfant n’y entrera point » (Marc, 18, 15-17).
Les  disciples s’interposent entre Jésus et les enfants qu’on lui amène. La  réaction est vive. L’enfant n’est pas moins intéressant que l’adulte aux  yeux de Jésus. Il est même porteur d’une information importante sur le  chemin qui mène au Royaume. Le message de Jésus n’a rien de romantique.  Il ne souligne pas ce qu’il y a de sympathique et de naïf en eux. Il  affirme simplement, encore une fois, que pour accueillir le Royaume il  est nécessaire de ressembler aux petits enfants. L’homme créé à l’image  de Dieu est invité à leur ressembler. C’est là le tout le programme de  la divinisation manifestée de façon particulière lors de la  Transfiguration. Cette métanoïa divine, d’après les mots mêmes de Jésus,  passe par la ressemblance avec les petits enfants. Pour approcher  l’Indicible Présence leurs limites linguistiques et rationnelles sont  finalement un avantage. Là où nos raisonnements élaborés nous égarent  souvent, leur intuition sans détour atteint la Source de toute chose. Le  langage humain est parfois un instrument au service du pouvoir et du  paraître. C’est dans le silence du désert que Jésus met un terme aux  manipulations diaboliques. La rencontre avec Dieu se situe au-delà de  toute formule conceptuelle. La seule connaissance verbale n’est pas  suffisante pour instaurer une vraie relation. L’amour est bien au-delà  des mots. C’est ce que savent les enfants…d’un savoir certain ! Le  lâcher-prise verbal conditionne la rencontre… 
3ème  message : « Ne les scandalisez pas… »
« Mais  si quelqu’un scandalise un de ces petits qui croient en moi, il  vaudrait mieux pour lui qu’on lui attachât une meule au cou et qu’on le  jetât au fonds de la mer » (Mathieu 18, 6).
« Mais  si quelqu’un scandalisait un de ces petits qui croient, il vaudrait  mieux pour lui qu’on lui mît au cou une grosse meule de moulin, et qu’on  le jetât dans la mer » (Marc, 9, 42).
« Puis  il dit à ses disciples : Il est impossible que les scandales n’arrivent  pas, mais malheur à celui par qui ils arrivent ! Mieux vaudrait pour  lui se voir passer autour du cou une pierre à moudre et être jeté à la  mer que de scandaliser un seul de ces petits » (Luc, 17, 1-2).
L’enfant  est aux yeux de Jésus porteur d’un message fondamental pour la vie  spirituelle de tout être humain. Si les paroles de Jésus sont fortes  pour manifester clairement le modèle de vie que représentent les  enfants, elles ne le sont pas moins lorsqu’il s’agit d’avertir ceux qui  pourraient être tentés de « mettre des obstacles » (traduction grec de  scandale) sur leur chemin. Maria Montessori s’est longuement exprimée  sur les nombreux obstacles culturels et sociaux qui pendant des siècles  ont empêché de porter un regard juste sur l’enfant et de reconnaître  l’ensemble de ses besoins psychiques. En posant ces obstacles, il  devient impossible de connaître l’enfant. Et si cette rencontre avec  l’enfant ne peut se faire, le message dont l’enfant est porteur devient  inaccessible…
4ème message : « devenir comme des petits enfants »
« Je  vous le dis en vérité, si vous ne vous convertissez et si vous ne  devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume  des cieux » (Matthieu, 18, 3).
« Je vous le dis en vérité, quiconque ne recevra pas le Royaume de Dieu comme un petit enfant n’y entrera point (Marc, 10, 15)
« Je vous le dis en vérité, quiconque ne recevra pas le Royaume de Dieu comme un petit enfant n’y entrera point  (Luc, 18, 17).
Le  message peut surprendre. La vie spirituelle est à ceux qui deviennent  comme des petits enfants. Le Royaume des cieux ne peut se réaliser sans  ce mode de vie propre aux enfants. Le psychisme des enfants est tourné  vers la vie. Ils n’ont de cesse que de vouloir découvrir et  s’émerveiller. Ils ont des yeux qui voient et des oreilles qui  entendent. Tous leurs sens sont en action pour capter les profondeurs de  la vie. Leur passion pour le jeu de « cache-cache »  témoigne  inlassablement de leur désir de rencontrer une présence « cachée ».  Joie de chercher, joie de trouver, joie d’être cherché et joie d’être  retrouvé…L’invitation de Jésus est paradoxale. Elle heurte notre raison  d’adulte. Et ce d’autant plus que pour comprendre ce que les enfants  peuvent nous enseigner, il nous faut nous-mêmes adopter leur  « dispositif » psychique.
5ème message : « Nous avons joué et vous n’avez pas dansé »
« A  qui donc comparerai-je les hommes de cette génération, et à qui  ressemblent-ils ? Ils ressemblent aux enfants assis dans la place  publique, et qui, se parlant les uns aux autres, disent : Nous vous  avons joué de la flûte, et vous n’avez pas dansé ; nous nous avons  chanté des complaintes et vous n’avez pas pleuré. Car Jean-Baptiste est  venu, ne mangeant pas de pain et ne buvant pas de vin, et vous dîtes :  Il a un démon. Le Fils de l’Homme est venu, mangeant et buvant, et vous  dîtes : C’est un mangeur et un buveur, un ami des publicains et des gens  de mauvaise vie. Mais la sagesse a été justifié par tous ses enfants ».  (Luc, 7, 31-35).
«   Mais à qui comparerai-je cette génération ? Elle ressemble aux petits  enfants assis dans les places publiques, et qui crient à leur  compagnons, et disent : Nous vous avons joué de la flûte, et vous n’avez  point dansé ; nous avons chanté des plaintes devant vous, et vous  n’avez point pleuré. Car Jean est venu ne mangeant ni ne buvant, et ils  disent : Il a un démon. Le Fils de l’Homme est venu mangeant et buvant,  et ils disent : Voilà un mangeur et un buveur, un ami des contrôleurs et  des pécheurs. Mais la sagesse a été justifiée par ses enfants ».  (Matthieu, 11, 16-19).
Les  enfants ont un rapport à la vie fait de simplicité. Ils peuvent nous  surprendre par les comportements qu’ils adoptent face aux situations de  la vie. L’enfant sait se réjouir. Il sait aussi pleurer. Sa joie vient  saluer avec force le retour du parent aimé. Sa compassion sait étreindre  l’adulte qui retient ses larmes. L’enfant ne rationalise pas. Il est  dans la vie. Pour lui chaque événement est une richesse à accueillir,  une occasion de se réjouir, un chemin à parcourir. Contre l’esprit de  sérieux qui souvent tient l’adulte dans des rôles prédéfinis, l’enfant  nous invite à vivre la vie comme elle se présente : en accueillant joies  et tristesses sans jamais s’arrêter de jouer. Dominique Savio à qui  l’on demandait : « Que ferais-tu si, tandis que tu es en train de jouer,  on venait t’annoncer que la fin du monde arrive ? » fit cette réponse  pleine de sagesse : « Je continuerai de jouer »…L’observation du jeu de  cache-cache qui semble comme appartenir à la nature des enfants est  symptomatique de la recherche d’une présence qui se montre et se dérobe  en permanence. De lui-même le petit enfant cache son visage devant  l’autre pour vivre la joie ensuite du face à face. Un peu plus grand, il  se cache en indiquant le lieu de sa cachette…Ce jeu « anthropologique »  manifeste cette tension entre désir et rencontre. L’enfant s’éloigne  pour qu’on le retrouve. Il invite l’autre à se cacher pour renouveler la  rencontre. Sans cet espoir de la rencontre, le jeu devient  souffrance…C’est parce que l’enfant sait qu’il sera retrouvé ou qu’il  retrouvera que ce jeu est source d’une inlassable joie. Le Dieu caché  (Deus absconditus) de la Bible semble nous donner quelques indications  pour le retrouver : « Si vous ne devenez pas comme des petits  enfants… ». 
6ème message : « Naître de nouveau »
« Jésus  lui répondit : En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît  de nouveau, il ne peut voir le Royaume de Dieu » (Jean, 3, 3).
« Jésus  répondit : En vérité, en vérité je te dis, que si un homme ne naît  d’eau et d’esprit, il ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Ce qui est  né de la chair est chair, et ce qui est né de l’esprit est esprit. Ne  t’étonne point de ce que je t’ai dit. Il faut que vous naissiez de  nouveau » (Jean, 3, 5-7).
Jésus  précise ici les choses. La ressemblance avec l’enfant qui réalise le  Royaume de Dieu en nous passe par une nouvelle naissance. Comme  toujours, la réalité concrète à laquelle renvoie Jésus dans son  enseignement est un point de contact avec le message spirituel qu’il  transmet. Les recherches récentes sur la naissance physiologique peuvent  donc aussi nous éclairer sur les conditions de la nouvelle naissance  spirituelle. La naissance physiologique, à l’image de la crèche de  Bethléem, requiert du silence, de l’intimité, une faible lumière et de  la confiance. Il s’agit de s’abandonner en lâchant prise. S’ouvrir à la  vie exige de renoncer à vouloir tout contrôler. C’est là l’enseignement  majeur de la naissance physiologique. Et c’est certainement là une piste  pour s’ouvrir aux richesses du Royaume et naître à l’homme nouveau.
7ème message : « une louange parfaite »
« Mais  les princes des prêtes et les scribes, voyant les merveilles qu’Il  avait faites, et les enfants qui criaient dans le temple et qui  disaient : Hosanna Fils de David ! s’indignèrent et ils Lui dirent :  Entendez-vous ce qu’ils disent ? Jésus leur dit : Oui. N’avez-vous  jamais lui cette parole : De la bouche des enfants, et de ceux qui sont à  la mamelle, vous avez tiré une louange parfaite » (Matthieu, 21,  15-16).
La  parole de Jésus est forte. Elle concerne la louange parfaite. Elle est  prononcée dans le plus haut lieu de prière qui soit : le Temple de  Jérusalem. Elle est adressée aux prêtres et aux scribes. Les  « spécialistes » de la Liturgie et de l’Ecriture sont invités à entendre  la louange des plus petits. Leur intuition spirituelle est plus juste  que les raisonnements sophistiqués. Leur prière est « instinctivement »  louange et action de grâce. Elle nous invite à redécouvrir la portée  eucharistique de la grande prière du Christ. Leur « Théologie »  non-conceptuelle est celle de la gratitude.  En cela, ils nous enseignent la « louange parfaite ».
  
8ème message : « la  Révélation »
« En  ce temps-là, Jésus prit la parole et dit : Je te loue Père, Seigneur du  ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux  intelligents, et de ce que les as révélés aux petits enfants. Oui, Père,  je te loue de ce que tu l’as voulu ainsi » (Matthieu 11, 25-26).
« En  ce moment même, Jésus tressaillit de joie par le Saint-Esprit et il  dit : Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as  caché ces choses aux sages et aux intelligents et de ce que tu les as  révélées aux enfants. Oui, Père, je te loue de ce que tu l’as voulu  ainsi » (Luc, 10, 21).
A  nouveau dans ce passage, Jésus prend à rebours la sagesse des  «intelligents » et rend grâce de ce que les plus petits bénéficient  d’une révélation toute particulière. Les enfants semblent profiter d’une  connaissance spirituelle supérieure à l’érudition spirituelle des  spécialistes. Ils ont certainement un rapport plus simple au mystère de  leur origine dont ils rendent grâce spontanément sans se perdre dans des  dédales argumentaires.
Cette  petite traversée évangélique nous permet de prendre conscience du  regard que porte Jésus sur les enfants et de leur rôle dans l’avènement  du Royaume. Les enfants, de part leur intuition spirituelle, sont  porteurs d’un message anthropologique. Nos paramétrages adultes peuvent  cependant nous empêcher d’en prendre conscience alors même que ce  message est fondamental pour toute croissance spirituelle.
L’ensemble des textes étudiés ainsi que l’observation des enfants peuvent nous ouvrir quelques  pistes  de réflexion. Tout d’abord l’enfant nous indique clairement que la  religion est affaire de rencontre joyeuse et non de système de pensée.  Bien entendu la réflexion théologique peut nourrir la prière. Mais sans  cette disposition propre à l’enfance où se mêlent intuition profonde et  désir de la rencontre, la pensée adulte coure le risque de tourner sur  elle-même. Ensuite, l’observateur ne peut que constater que l’absence de  pensée conceptuelle n’est pas une limite à la vie spirituelle. Bien au  contraire, l’enfant en nous montrant une vitalité affective et  spirituelle intense nous rappelle que le lâcher prise par rapport à  l’usage de la raison est nécessaire au développement d’une vie de  prière. Enfin, la joie de l’enfant est « eucharistique ». La « louange  parfaite » dont parle Jésus est à rapprocher de sa prière eucharistique par laquelle toute l'histoire de la Création est assumée dans un acte d'Amour total.