dimanche 7 août 2011

Création et Récit Biblique

La Bible nous transmet des informations fondamentales autant sur la Pensée de Dieu sur les hommes que sur le cheminement de la pensée des hommes pour intégrer progressivement le plan de Dieu. Dans un petit recueil de sermon sur la Création « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre », Joseph Ratzinger s’efforce de lever toute ambiguïté quant à la portée scientifique des récits bibliques tout en soulignant l’actualité permanente de leur dimension religieuse. « La Bible n’est pas un manuel de sciences naturelles, elle n’entend pas l’être. C’est un livre religieux et, en conséquence, on ne peut tirer d’informations concernant les sciences positives, ni y voir comment s’est opérée la genèse du monde du point de vue de l’histoire naturelle, mais seulement y puiser des connaissances de caractère religieux. Tout le reste est image, manière de rendre compréhensible aux hommes les vérités les plus profondes. Il faut distinguer la forme de présentation du contenu présenté. La forme a été choisie selon ce qui était accessible à l’époque, d’après des images avec lesquelles les hommes d’alors vivaient, s’exprimaient et pensaient, grâce auxquelles ils pouvaient comprendre les vérités les plus grandes.

L’Ecriture  n’a pas l’intention de nous raconter comment les espèces de plantes firent leur apparition, comment le soleil, la lune et les étoiles se formèrent, mais, au bout du compte, de nous dire une seule chose : Dieu a créé le monde ».
Les images bibliques, quelques soient les thèmes, évoluent au cours du temps. La Bible les modifie pour clarifier progressivement leur contenu. Mais l’information essentielle demeure toujours.

Création et pensée hébraïque
 La Création est au cœur de la révélation biblique. Elle structure fondamentalement la pensée hébraïque.  Le récit de la Genèse  rapporte la distinction radicale entre le créateur et le créé. Il atteste par ailleurs l’excellence du réel en distinguant soigneusement la création de la chute. Claude Tresmontant, dans son « Essai sur la Pensée Hébraïque », montre bien à quel point l’information biblique est éloignée de la tentation gnostique. « La tradition biblique en même temps qu’elle apporte l’idée de création, distingue radicalement création et chute. La chute, l’origine du mal, ne sont pas liées par essence à la création, à l’origine de l’être. La création est « très bonne ». En distinguant radicalement création et chute, la Bible ouvre une nouvelle dimension pour le problème du mal. L’origine du mal est située ailleurs que dans la genèse elle-même. Il en résulte à l’égard du sensible, une attitude profondément différente de celle de la pensée grecque. Ce n’est pas le sensible, la « matière », le « corps » qui sont mauvais et fautifs.
Tout ce qui est créé est excellent. Rien n’est impur en soi. La cause du mal  est située ailleurs que dans le monde sensible. Le péché est d’un autre ordre, son origine est spirituelle. Le type du péché est le mensonge ».

Dans la Bible, c’est le terme bara qui est utilisé pour traduire l’idée de création. Ce terme n’est alors employé que pour désigner l’action de Dieu. Cette action divine est à distinguer du « savoir-faire » humain. La fabrication est un acte de transformation. La création, que vient désigner le verbe bara, est l’action divine qui produit le nouveau ou le renouveau. Ce verbe indique toujours l’apparition de la nouveauté.

L’hébreu a le sens de la création. Ainsi, il reconnaît toute la valeur du sensible. Loin de vouloir échapper à cet ordre des choses, il cherche à le pénétrer pour en capter toute l’intelligibilité : « les cieux racontent la gloire de Dieu »…Claude Tresmontant insiste sur cette particularité de la pensée hébraïque. « L’hébreu n’a pas l’idée de la matière. Le sensible prendra par là même une importance et jouera un rôle ignoré dans la pensée grecque, où l’idée
 De matière grevait le sensible d’une inintelligibilité essentielle. L’idée de matière exprimait le manichéisme latent de la philosophie grecque.
Dans l’univers biblique, le sensible n’est pas privé de signification. Il n’est pas besoin de lui surajouter, du dehors, une signification qu’il ne comporterait pas par nature. Il suffit de le libérer, d’un dualisme qui en fait une réalité indéterminée et d’une certaine conception  de devenir, du multiple, et de l’existence corporelle.
L’hébreu a l’amour du sensible, parce qu’il n’est pas dualiste : il a le sens, l’intelligence de l’élément, parce qu’il ne condamne pas le sensible à être irréductiblement séparé, distant de l’intelligible, autre que lui. Pour l’hébreu, le sensible n’est pas mauvais ni fautif. Le mal ne vient pas de la « matière ». Le monde est très bon. L’hébreu a le sens du charnel parce qu’il en discerne le suc spirituel. L’univers biblique est exactement à l’opposé de l’univers manichéen. Avoir le sens du charnel, le goût de l’élément, et le sens de la contemplation et du spirituel, c’est tout un point de vue biblique, parce que le monde sensible est langage, il a été créé par la parole. »


Création et anthropologie
 Le récit de la création décrit une série d’étape. L’ultime étape est la création de l’homme. Puis Dieu se retire pour réellement associer l’homme à l’achèvement de son œuvre. L’histoire devient alors le temps de la coopération entre l’Action divine et l’action humaine scellée par une Alliance. Claude Tresmontant poursuit : « Dieu a créé le monde, mais la création à son tour continue de s’inventer. L’homme, en particulier, est créateur de sa vie et de sa destinée. L’homme est un être temporel parce qu’il n’est pas achevé et qu’il a le pouvoir de collaborer à sa destinée, de l’inventer. La destinée de chacun n’est pas écrite dans un livre idéal qu’il faudrait recopier. La vocation particulière de chaque homme n’est pas un chemin tout tracé qu’il faudrait suivre pas à pas. Dieu ne nous prescrit pas de modèle qu’il faudrait suivre avec obéissance. Il nous demande d’être créateurs, inventeurs originaux de cette route unique à laquelle nous sommes appelés ».

Le récit de la création veut nous dévoiler quel est le projet de Dieu pour l’homme tout en répondant à la question « qui est l’homme ? ».
Joseph Ratzinger commente ainsi ce récit où il est question de la formation de l’homme à partir de la poussière du sol : « Nous sommes tous faits d’une même terre. Il n’y a pas de « sang », de « sol » différents. Il n’y a pas d’homme fondamentalement différent, comme le pensaient les mythes de tant de religions et comme l’affirment aussi certaines conditions du monde, y compris à notre époque. (…). Nous formons tous une même humanité formée d’une même terre de Dieu. Cette pensée se trouve au cœur de tout le récit de la Création et de toute la Bible.

L’autre information anthropologique importante dévoilée par ces textes concerne l’homme-image de Dieu. Joseph Ratzinger se livre à la méditation suivante : « L’homme fut fait parce que Dieu souffla dans les narines de son corps, dont le matériau était la glaise. La réalité divine fait son entrée dans le monde. L’homme fut fait à l’image et à la ressemblance de Dieu. En lui se rejoignent le ciel et la terre. En lui, Dieu s’introduit dans la Création. L’homme est un « aller droit à Dieu », il est appelé par Lui. Dieu connaît et aime chaque homme. Chacun est voulu par Dieu, chacun est image de Dieu. La cause plus générale et la profonde unité du genre humain réside en ceci que chacun de nous réalise un projet unique de Dieu, surgit d’une même idée créatrice ».
La vie humaine peut devenir donc participation au Projet de Dieu. Dans une alliance libre et choisie, elle concourt alors à cette maturation qui conduira progressivement à la plénitude des temps comme réalisation suprême de l’Alliance entre Dieu et les hommes. Cette transformation personnelle qui doit nous conduire à la divinisation a tout d’un labeur créateur. Saint Paul le dit bien : nous sommes les co-ouvriers de Dieu (1, Cor, 3, 9)…

Création et Révélation
Nous avons vu que pour l’hébreu il n’y a pas de dichotomie entre le sensible et l’intelligible. Le sensible n’est pas à fuir. Bien au contraire, il faut l’approfondir pour en capter tout le suc intelligible. Jésus, fidèle à la tradition hébraïque, enseignera les plus hauts mystères à partir de la réalité la plus commune. Pour évoquer le Royaume de Dieu, Jeschoua s’appuie sur les réalités terrestres de son environnement : le semeur, la femme et le levain, le grain de blé, etc.
La création est donc un langage propre à nous faire saisir les réalités ultimes. La spiritualité chrétienne ne consistera donc jamais à fuir le réel sensible. Au contraire, elle est un approfondissement, permanent et jamais clôt, du monde créé pour le conduire à son achèvement qui sera comme un embrasement d’Amour entre Dieu et l’homme.
Jeschoua nous ouvre le chemin de cette pédagogie divine. « Le Royaume de Dieu est semblable à  … ». Puisque le réel est propre à nous enseigner la vie divine, toutes nos expériences profondément humaines ont cette capacité de nous révéler quelque chose du Royaume. Nous avons peut être trop souvent pris l’habitude de dissocier notre œuvre spirituelle des nos expériences quotidiennes. Pourtant comme le montre aussi bien la pensée biblique que la pédagogie de Jeschoua toute expérience de ce monde peut contribuer à faire grandir le royaume en chacun d’entre nous. Toute expérience vitale regorge d’informations. Le réel révèle son sens à mesure que nous l’épousons…Quant à la révélation, elle nous dévoile le sens ultime de la création pour nous permettre de contribuer pleinement au grand Projet de Dieu.

1 commentaire:

  1. Bonjour Marie,
    Je suis actuellement une formation bon berger 3-6 et une amie me fait découvrir ton blog a l'instant. Quel travail extraordinaire! Merci de tout cœur pour ce partage. Puis-je te demander tout de même ou as-tu été formée? C'est incroyable je connais un peu ton blog en terrée d'enfance grâce à mère poule, pratiquant mois-même l'ief avec la pédagogie Montessori!
    Bravo, et merci infiniment pour tout ce que tu fais,
    Sophie

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