Cette information se transmet d’âge en âge à travers le récit qu’on en fait dans les familles et par la participation liturgique qui en manifeste la vitalité permanente. La famille comme lieu de transmission de la vie est concernée au premier chef par cette actualisation de la Tradition dont les textes bibliques sont comme le génome pour employer une image du langage génétique.
Dans les cultures plus anciennes, le récit était le fondement naturel de toute la pédagogie de la transmission. Ce savoir qui faisait la richesse des échanges familiaux s’est un peu perdu au fil des évolutions culturelles. Il est pourtant essentiel à toute transmission vivante. Son abandon fait courir le risque de transformer l’expérience de Dieu transmise à travers ces récits en une simple instruction morale. La « mémoire » des interventions divines faites à travers l’histoire n’a rien pourtant rien d’une simple leçon. Elle est l’expérience, génération après génération, d’une connaissance vivante de Dieu.
La pédagogie religieuse présentée par l’Atrium du Bon Berger place le « savoir-raconter » au cœur de la vie religieuse familiale. L’écoute de la Parole de Dieu est avant tout une expérience spirituelle qui prend source directement dans les textes sacrés. La « lectio divina » est un peu l’arche d’alliance de toute communauté humaine qui veut porter la présence Dieu dans le monde. Elle est l’expérience commune de toute famille qui reconnaît avant tout la filiation divine. Elle incarne aussi une expérience religieuse qui transcende chaque génération pour l’ouvrir aux manifestations du Royaume.
Dans leur ouvrage commun « Young children and Worship », Sonja M. Stewart et Jérôme Berryman soulignent combien la pédagogie narrative des récits sacrés est approprié pour développer le sens de l’adoration chez les enfants. « Dans l’adoration, à travers le pouvoir de l’Esprit-Saint, Dieu se fait connaître par l’écoute de sa Parole. En entrant dans l’histoire sacrée, nous expérimentons et nous connaissons Dieu. Nous avons dit que ce processus d’entrée dans l’Ecriture implique la mémoire (anamnèse). A travers la mémoire, l’imagination et la recherche de sens, nous n’apportons pas au texte notre seule expérience personnelle mais aussi l’expérience de l’Eglise à travers les âges. Ces histoires, si sacrées pour la communauté, ne sont jamais laissées de côté une fois racontées. Bien au contraire, elles sont redites encore et encore, d’une génération à l’autre, en renouvelant constamment notre connaissance de Dieu, en approfondissant notre foi, et en régénérant notre monde (…). Puisqu’en relation à l’adoration, l’histoire sacrée est le moyen par lequel la communauté rencontre Dieu, la fonction de celui qui la raconte n’est pas l’instruction d’une audience d’étudiants. Le narrateur veut s’effacer devant l’histoire pour que d’autres puissent y rentrer et que chacun puisse expérimenter prier et écouter Dieu. C’est une expérience partagée du sacré qui forme et unifie la communauté chrétienne ».
Poursuivons cette intelligence de la narration biblique avec nos deux auteurs.
La nature du récit biblique
« Le récit biblique utilise une technique particulière qui rend les l’histoire intéressante et signifiante tant pour les enfants que pour les adultes. Les histoires bibliques rapportent que les actions et les descriptions essentielles à l’histoire. L’omission de définitions et de détails inutiles laisse de la place pour le silence à travers lequel l’auditeur expérimente le mystère, l’admiration et l’émerveillement si caractéristiques de l’histoire sacrée. L’utilisation de mots essentiels et de silences signifiants comme l’omission des détails est malheureusement souvent négligée par les narrateurs. Parce qu’ils ne comprennent pas la nature de l’histoire biblique et la fonction de l’anamnèse, ils comblent les silences avec des explications et des définitions se persuadant qu’ils rendent l’histoire plus intelligible. En faisant ainsi ils éliminent toute place pour l’imagination et le travail de l’Esprit-Saint, rendant alors l’histoire difficile à mémoriser et parfois aussi à croire ».
Les récits pour les enfants
« En voulant retrouver le chemin des narrations bibliques, nous avons essayé de découvrir les éléments essentiels de l’histoire et de les raconter sans aucun embellissement. Rester proche du texte aide à éliminer les mots inutiles tandis que l’utilisation du matériel pour raconter l’histoire donne des occasions de silences signifiants. Par exemple, pour la parabole du Bon Berger et de la brebis perdue, nous n’interrompons pas le récit en nommant les brebis lorsque nous les faisons entrer dans la bergerie. Elles sont placées en silence. Souvent, le silence a plus de pouvoir pour attirer et retenir l’attention que les mots ».
Le choix des histoires
« Notre décision de choisir telle ou telle histoire pour les enfants est guidée par la nature des récits bibliques eux-mêmes. Si le principe consistant à raconter l’essentiel et à omettre le superflu est appliqué, cela signifie que nous raconterons les histoires les plus caractéristiques de notre formation comme Peuple de Dieu. Les histoires qui approfondissent et fournissent plus de détails sont racontées plus tard. Par exemple, l’histoire de l’Exode est fondamentale. Son thème majeur c’est la situation d’esclavage du Peule de Dieu et sa libération et que Dieu les a mené à la liberté en leur faisant traverser les eaux. Les enfants n’ont pas besoin de connaître le détail de la naissance de Moïse, comment il a quitté puis est retourné en Egypte, les plaies subies par les égyptiens, pour comprendre l’Exode. Ces détails qui sont un approfondissement seront racontés plus tard. Les récits de l’Ancienne Alliance qui sont fondamentales pour la formation du Peuple de Dieu sont celles qui donnent sens à notre vie : la Création, le déluge, l’Exode, le don de la Loi, l’Arche d’alliance, la terre promise, le Temple et l’exil (on retrouve ici les grands thèmes de la Vigile Pascale). En commençant avec l’Avent nous suivons les thèmes de l’année liturgique en utilisant les récits de la naissance de Jésus, de la visite au Temple, du baptême, de la tentation dans le désert, continuant avec les paraboles qui représentent la proclamation par Jésus du Royaume de Dieu. La mort de Jésus, la résurrection, l’ascension et la venue de l’Esprit-Saint sont racontés pendant le carême, de Pâques et de la Pentecôte. De cette façon, l’histoire unique de la création de Dieu et de la rédemption est présentée de façon essentielle et séquencée (…).
Ces histoires correspondent aussi aux besoins des enfants et s’adressent notamment à leurs craintes. Les enfants ont besoin d’amour, de sécurité, de stabilité pour eux et pour leur environnement. Ils ont aussi besoin de créer du sens et d’ordonner leur vie comme aussi d’affronter leurs peurs. Ces récits répondent à leur crainte d’être abandonnés, d’être seuls, de souffrir et enfin de mourir. Quand ils apprennent à rentrer dans ces histoires pour rencontrer Dieu, ils ont un outil pour vivre et découvrir du sens en tout lieu et en tout temps ».
Parole et Action (le matériel)
« Les jeunes enfants apprennent grâce à leur corps autant qu’avec leur esprit. Le mouvement, la vue, les sons, les odeurs, le goût et le toucher sont autant de canaux de connaissance. Ainsi les récits bibliques doivent être traduits en figures et dans un matériel que les enfants puissent voir et mouvoir leur donnant ainsi une capacité motrice et sensorielle pour absorber l’histoire et répondre à l’invitation qu’elle représente.
Dans la sainte Liturgie, la parole (texte sacré) et le geste (mouvement décrit) par la rubrique ont pour fonction d’unir corps et esprit dans un même acte d’adoration. Sur ce même modèle, les enfants sont aidés à se former des images de l’Ecriture en recevant le récit de façon visuelle et motrice. C’est la raison pour laquelle nous traduisons les récits et les paraboles en un matériel que les enfants peuvent voir et avec lequel ils puissent travailler ».
Bouger les figures
Le même principe consistant à utiliser uniquement l’essentiel s’applique aussi pour le matériel. Les figures sont faites avec le moins de détails possibles, particulièrement les visages, puisque les enfants ont une tendance à se focaliser dessus. Elles sont déplacées avec une économie de mouvement pour éviter toute distraction.
Le mouvement du matériel répond à plusieurs objectifs. D’abord il rend possible l’intelligence visuelle et kinesthésique. L’histoire est expérimentée à travers les mains, les doigts et le corps. Elle permet aussi la représentation mentale. Les images sont fondamentales pour la pensée et le développement des concepts. L’une des tâches de la petite enfance et la formation d’images sur lesquels puissent se construirez une identité et une représentation du monde.
Préparation du narrateur
« Cette préparation est de première importance. Le narrateur doit personnellement avoir le sens du mystère, de la grandeur, et de la présence de Dieu à travers l’histoire qu’il raconte. Il est bon si possible d’entre un narrateur expérimenté raconter le récit avant de se lancer. Il est nécessaire de lire le passage dans la Bible, de le méditer et de s’en imprégner. Une fois que l’on sent que l’histoire a pris forme en soi, on peut lire la présentation et les instructions concernant la manipulation du matériel. Après il faut s’entraîner à manipuler le matériel sans dire un mot. Ensuite seulement on peut recommencer en racontant l’histoire. Alors l’esprit et le corps, la mémoire et le mouvement se combinent pour raconter l’histoire. Les adultes oublient combien on peut apprendre avec le corps et redécouvre cette capacité en racontant l’histoire avec le matériel. Les enfants au contraire sont très conscients de cette capacité. Parfois en écoutant et regardant l’histoire, ils se mettent à bouger les mains pour imiter les gestes du narrateur.
Lorsque vous pratiquez, gardez les yeux sur le matériel. Vous êtes entrés dans le monde du récit. En levant les yeux vous sortirez de ce monde. Puisque le but est de faire entrer les enfants dans cette histoire, vous éviterez aussi tout échange de regards pendant la présentation.
Quand vous parlez, faites le avec une économie de mot pour éviter de distraire les enfants ou de créer de la confusion par une multitude de détails. Vous devez aussi porter attention au son et au rythme de votre voix. Parlez lentement pour que l’enfant puisse entendre et se représenter le mot.
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