dimanche 7 août 2011

La Bible, les Psaumes et la prière chrétienne

L’Ecriture Sainte ne se présente pas comme le développement de concepts de plus en plus élaborés mais comme l’approfondissement de vérités très riches et très simples. Au cœur de cette révélation se trouve le Dessein de Dieu qui se déploie à travers la découverte progressive de son Visage. Cette contemplation du mystère se fait traditionnellement à travers la récitation du Psautier qui récapitule toutes les attentes d’Israël. 
Le fait que la prière psalmique d’Israël soit devenue naturellement la prière de l’Eglise atteste bien la continuité indissoluble qui se manifeste au sein de la Parole de Dieu. 


Le Psautier est le chemin par lequel Dieu veut nous apprendre à prier, à Le prier. Cette prière se concrétise dans la réception de sa Parole pour se transformer en prière eucharistique en associant nos vies à l’œuvre transfiguratrice du Christ.

Le Psautier peut être aussi considéré, nous le verrons par la suite, comme la véritable somme théologique et spirituelle de l’Ecriture Sainte,  son résumé, son condensé le plus intense et surprenant. La tradition juive et la tradition chrétienne en ont eu vivement conscience. Toute la sainte Tradition y a perçu clairement sa vertu récapitulative, tous les autres livres inspirés se trouvant comme fondus dans la plus magnifique des prières que forme le psautier

Ainsi les mystères du Christ, de l’Église et de ses sacrements, les souffrances et les résurrections spirituelles du chrétien,  l’annonce de la fin des temps et l’avènement de la Jérusalem définitive rythment continuellement ces chants de louange et d’action de grâce, de repentir et de supplication. Se nourrir des psaumes, c’est ainsi apprendre prier chrétiennement.

Il suffit, en effet, d’ouvrir le livre des Psaumes pour constater que tous les thèmes qui vont s’accomplir dans la nouvelle Alliance s’y trouvent comme en une éclosion sublime. Au fil de ces chants de combat, d’appels et de détresse, de confiance et d’épreuve, de souffrances et de triomphe, le fidèle découvre l’ensemble des secrets que Dieu dévoilera définitivement au cœur de l’homme par la présence de son propre Fils. Dans le psautier tous ces secrets sont livrés sous forme d’une prière destinée à nourrir quotidiennement le cœur des fidèles. Mettons-nous donc à son école. Voici dix clé de lecture, comme 10 commandements pour assimiler la psautier et par là tout le message biblique qui s’y trouve récapituler :


-       En priant le psautier, nous apprenons que la prière est avant tout écoute et réception de la Parole et que cette Parole permet discerner le sens de la Création : « Ta parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier » (Ps 19). La création de Dieu est sacrée. Elle nous instruit sur le dessein du Créateur (louange cosmique du Ps19 ou 148).

-       Nous prenons conscience que Dieu intervient en permanence dans l’histoire, qu’Il est l’alpha et l’Omega de l’histoire, qu’Il ne lâche pas l’humanité malgré le grand nombre de ses déviations : « mainte et mainte fois il les délivra, mais eux par bravade se révoltaient et s’enfonçaient dans leur tort ; Il eut un regard pour leur détresse alors qu’Il entendait leur cri ; Il se souvint pour eux de son Alliance, Il s’émut selon son grand Amour ; Il leur donna d’apitoyer tous ceux qui les tenaient captifs » (Ps 106)

-       Cette intervention de Dieu dans l’histoire appelle le cœur de l’homme pour porter la Création à son achèvement. Il y faut un cœur brisé c'est à dire qui s'ouvre à l'information révélée  : « car tu ne prends aucun plaisir au sacrifice ; un holocauste tu n’en veux pas. Le sacrifice de Dieu, c’est un esprit brisé ; d’un cœur brisé, broyé, Dieu tu n’as point de mépris » (Ps 51).

-       Mais pour que ce cœur puisse irriguer la vie, il lui faut prendre conscience de sa responsabilité et du risque que son refus fait courir au plan divin « les hommes se sont corrompus, leurs actes sont abominables : aucun qui fasse le bien ! Yahvé, du haut des cieux, regarde les fils de l’homme, pour voir s’il en est un qui soit sage et qui cherche Dieu : tous sont égarés, tous sont pervertis, pas un qui fasse le bien, pas même un seul » (Ps 14)

-       Après quoi l’homme peut découvrir les sublimes secrets de la Miséricorde de Yahweh : « yahvé est miséricordieux et compatissant, lent à la colère et riche en bonté. Ce n’est pas pour toujours qu’Il réprimande, il ne garde pas à jamais sa colère. Il ne nous traite pas selon nos péché, Il ne nous châtie pas selon nos iniquités. Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant sa bonté est grande envers ceux qui le craignent. Autant l’Orient est loin de l’Occident, autant il éloigne de nous nos transgressions. Comme un Père a compassion de ses enfants, Yahvé a compassion de ceux qui le craignent » (Ps 103)

-       Cette miséricorde de Dieu demande des cœurs pauvres. Le psautier finalement est le recueil de prières de ces anavim à qui le Christ promettra en son temps le Royaume des cieux. Ces pauvres savent qu’il n’est rien dont ils peuvent se faire valoir devant Dieu. Mais ils savent plus encore qu’il n’est rien qu’il ne puisse fermement espérer de la miséricorde de Dieu. « Et moi pauvre et mendiant, le Seigneur pense à moi. Toi mon secours et sauveur, mon Dieu ne tarde pas. Toi Yahvé tu ne fermes pas pour moi tes tendresses ! ta miséricorde et ta vérité sans cesse me garderont » (Ps 40). Pour recevoir le Royaume, le fidèle assimile cette béatitude de la pauvreté qui le fait devenir mendiant de la miséricorde. L'Amour est l'achèvement de la Création.

-       Les Psaumes nous rappellent aussi vivement que cet Amour miséricordieux, cet Amour infini manifeste la Gloire de Celui qui nous invite à partager sa Vie. Ce thème de la majesté et de la sainteté de Dieu qui traverse toutes les prophéties d’Isaïe nous rappelle sans cesse la grandeur insoupçonnable de cet Amour : « Rapportez à Yahvé, fils de Dieu, rapportez à Yahvé gloire et puissance, rapportez à Yahvé la gloire de son nom, adorez Yahvé dans son éclat de sainteté » (Ps 29)

-       Cependant la contemplation du Dieu de sainteté ne doit pas nous faire perde de vue l’intimité paradoxale à laquelle Dieu nous appelle, cette religion du cœur que nous dévoile les livres de Jérémie. Le psautier va là encore assimiler ce thème splendide sous forme d’une prière pour nous le donner en nourriture : « Il garde à jamais la vérité, il rend justice aux opprimés, il donne aux affamés du pain, Yahvé délie les enchaînés. Yahvé rend la vue aux aveugles, Yahvé redresse les courbés, Yavhé protège l’étranger, il soutient l’orphelin et la veuve » (Ps 146). Yahvé prend soin de chacun avec une sollicitude de bon pasteur : « le Seigneur est mon pasteur, je ne craindrai aucun mal, il me conduit dans de verts pâturages, il me fait reposer auprès des eaux paisibles…(Ps 23). Yahvé est enfin celui qui nous connaît mieux que nous même : il est le cœur de notre intimité : Yahvé tu me sondes et tu me connais ; que je me lève que je m’assois, tu le sais, tu perces de loin mes pensées ; que je marche ou me couche, tu le sens, mes chemins te sont tous familiers…Sonde-moi, O dieu, connais mon cœur, scrute-moi, connais mon souci ; vois que mon chemin ne sois fatal, conduis-moi sur le chemin d’éternité » (Ps 139).

-       Nous arrivons alors au point focal de toute la révélation. Le Dieu de sainteté, le Dieu de toutes les miséricordes, ce Dieu qui nous est plus intime que nous même veut nous demeurer présent, il veut planter sa tante parmi nous. C’est cette présence de Dieu qui demeure le mystère fondamental d’Israël et de l’Eglise : « Jusqu’à toi viens toute chair avec ses œuvres de péché ; nos fautes sont plus fortes que nous mais toi tu les effaces….Tu visites la terre et la fais regorger, tu la combles de richesses » (Ps 65). « Mieux vaut un jour en tes parvis que mille à ma guise, rester au seuil dans la maison de mon Dieu qu’habiter la tente de l’impie (Ps 84)

-       Dieu vient nous visiter. Il traverse notre humanité blessée nous ouvrant les voies de la divinisation, c'est-à-dire de la filiation divine. Nous sommes appelés à devenir sa ressemblance en vivant en enfant de lumière : « Envoie ta Lumière et ta vérité : elles me guideront, me mèneront à ta montagne sainte, jusqu’en tes Demeures. Et j’irai vers l’autel de Dieu, jusqu’au Dieu de ma joie, j’exulterai, je te rendrai grâce sur la harpe, Dieu mon Dieu » (Ps 42-43)


Ces exemples nous montrent que, loin de nous emporter dans de pénibles considérations théologiques, le psautier nous conduit simplement au cœur de la révélation. Cette prière complète nous met en permanence au contact de Dieu, sans détour, et sans autre méthode que de nous faire chanter les merveilles de Dieu dans l’œuvre de sa Création.

Dieu nous a certainement donné par le Psautier la plus puissante mais aussi la plus simple méthode de prière. Dieu va jusqu’à nous révéler comment Le prier, pourquoi donc nous en priver ? Dans le Psautier il n’y a pourtant aucune description d’une quelconque méthode d’oraison. C’est un pur jaillissement permanent qui vient du plus profond du cœur. En priant les psaumes nous ouvrons simplement nos cœurs meurtris au traitement de sa miséricorde. Le Psautier traditionnel est à redécouvrir pour que nous puissions nous en nourrir chaque jour. La pratique du Psautier est certainement l’une des plus magnifiques expériences spirituelles que tout fidèle est appelé à vivre.

Maria Montessori et l'éducation religieuse

L'œuvre éducative de Maria Montessori est répandue dans le monde au travers des quelques milliers d'écoles qui existent ainsi que par la diffusion de ses ouvrages. Cependant, l'un de ses apports majeurs semble être resté dans l'ombre, alors qu'il coïncide parfaitement avec une double réforme inspirée par le pape saint Pie X, au sein de l'Eglise, au début du siècle dernier: la communion pour les petits enfants et le renouvellement de l'esprit liturgique.

Or, le travail scientifique que Maria Montessori mit au service du développement de l'enfance a connu une extension décisive au niveau de l'éducation religieuse à travers notamment une explication pédagogique de la liturgie et une assimilation biblique ancrée sur la figure du Bon Pasteur. Saint Pie X, bien connu pour sa sensibilité au monde de l'enfance, a réagi positivement aux travaux de la pédagogue en saluant cette "œuvre de régénération de l'enfance". L'année suivante, lors de la fête de Pâques, il envoie ce message de bénédiction à des religieuses tenant une maison de l'enfance: " Aux chers enfants de cette maison Montessori, acceptant de tout cœur leurs bons vœux pour la fête de Pâques, dans l'espérance qu'ils continuent à prospérer. Que leurs professeurs et les Franciscaines missionnaires de Marie reçoivent de tout cœur notre bénédiction apostolique sous la bienveillance et les auspices de la grâce divine" (donné au Vatican, 1911 par le pape Pie X).

Non seulement les papes ne sont pas restés indifférents à cette révolution pédagogique mais ils l'ont par ailleurs appuyée comme le montre le discours du pape Paul VI le 17 septembre 1970 lors du congrès international consacré à Maria Montessori. Source ici

Maria Montessori, partageant l'intuition fondamentale de saint Pie X sur la vie spirituelle des plus petits, a œuvré jusqu'à la fin de sa vie pour défendre leurs capacités à saisir magnifiquement les réalités les plus hautes. Voici l'un de ses derniers messages sur le sujet visant à encourager des enseignants catholiques rassemblés à Londres: " Jamais comme à ce moment, la Foi chrétienne n'a nécessité l'effort sincère de ceux qui la professent. Je voudrais demander à chacun d'entre vous qui êtes rassemblés à ce congrès de considérer la grande aide que les enfants peuvent apporter à la défense de la Foi. Les enfants viennent à nous comme une rosée d'âmes, comme une richesse et une promesse qui peut toujours s'accomplir mais qui nécessite l'aide de nos efforts pour cela.
Ne considérez pas l'enfant comme un être faible. Il est l'artisan de la personnalité humaine. Que cette personnalité devienne chrétienne ou non dépend de l'environnement qui l'entoure et de ceux qui sont les guides de sa formation religieuse.
Ne pensez pas que, parce que l'enfant ne peut comprendre de la même façon que les adultes, il lui est moins facile de participer aux activités religieuses. La Foi la plus étonnante et la plus profonde se trouve généralement chez les gens simples. Prenez par exemple ces femmes qui emmènent leurs enfants à l'Eglise en les allaitant: l'esprit inconscient de l'enfant absorbe cette ambiance divine tandis que la conscience raisonnante de l'adulte reste simplement humaine. Vous qui vous réjouissez de ce don d'appartenir à la Foi catholique, vous devez reconnaître la grande responsabilité qui est la vôtre pour les générations futures car vous avez renoncé au monde pour amener le monde à Dieu. Prenez les enfants comme une aide dans votre tâche avec foi et humilité. Ayez soin que leur regard limpide de ne soit pas abîmé. Protégez en eux ces énergies naturelles inscrites dans leur âme par la main guidante de Dieu. Puisse Dieu être avec vous pendant ce congrès et vous aidez dans vos conclusions et vos décisions".

Pour accompagner ce besoin de régénération spirituelle au sein de l'Eglise, Maria Montessori a appliqué sa pédagogie éducative à la formation religieuse en développant le premier atrium en 1915 à Barcelone. La fonction de ce lieu catéchétique, inspiré des écoles pour l'enfance, est d'initier notamment aux mystères liturgiques à travers une découverte concrète des objets du culte et des prières de la messe. Elle écrivit par ailleurs en 1933 un ouvrage intitulé "La Messe expliquée aux enfants" comme support pédagogique de son action de formation religieuse. L'un des points majeurs de son apport tient certainement à la place centrale qu'elle donne à la Liturgie dans l'apprentissage religieux. Cet aspect de son œuvre, malheureusement assez inconnu sur notre continent, pourrait aujourd'hui encore contribuer à développer, parmi les nouvelles générations, ce sens du sacré que l'Eglise cherche à remettre au cœur de la vie liturgique.

Dans son introduction à son ouvrage sur la messe, elle rappelle quel regard porte Jésus sur les plus petits: "Notre Seigneur percevait dans les enfants quelque chose que les adultes ne percevaient pas il y a deux cents ans et qu'ils ne perçoivent toujours pas. Cependant, les Évangiles affirment pleinement que beaucoup de mystères doivent être révélés aux plus petits. L'enseignement du Christ sur les enfants touche le cœur de leur éducation. Ils ont une personnalité différente de la nôtre et certaines impulsions spirituelles sont vivantes en eux qui sont souvent atrophiées chez l'individu devenu adulte. Nous devrions toujours gardé cela à l'esprit pour ne pas seulement leur offrir le plus noble des enseignements, mais leur offrir dans la forme qui leur convient. Nous sommes tenus d'aider les enfants en leur enseignant ce qu'ils ont besoin de savoir sur la religion, mais nous ne devrions pas oublié que l'enfant peut nous aider aussi, car il nous montre le chemin vers le royaume de Dieu".

Nous reviendrons souvent sur cette question de l'éducation religieuse notamment sous son aspect liturgique. Il est probable que le renouveau spirituel à venir passe par une nouvelle assimilation des richesses liturgiques par les plus petits d'entre nous. Le silence et la prière se découvrent au contact de la Liturgie. Elle constitue donc un enjeu éducatif majeur pour le 21 ème siècle. Leur faire découvrir, c'est donner aux générations suivantes des hommes de paix.

L'Atrium et le lieu de prière

L’atrium était autrefois la pièce principale de la maison romaine. Il est devenu ensuite l’enceinte extérieure de la basilique chrétienne réservée aux catéchumènes (personnes non encore baptisées ne pouvant ainsi participer aux Saints Mystères).



Ce terme architectural a été par ailleurs repris par Maria Montessori pour servir de concept à l’élaboration du « milieu favorable » à l’éducation religieuse. Afin de pouvoir participer au Culte de l’Eglise, il convient d'abord d’en apprendre tout le cérémonial pour favoriser une participation active lors de son déploiement au fil de l'année liturgique.

Réflexions bibliques sur le lieu de prière

Toute la Liturgie de l’Eglise, véritable pédagogie d’initiation au dialogue avec Dieu, trouve son origine dans les textes fondamentaux de l’Exode. A y regarder de près, il semble que la sortie d’Egypte ait un but beaucoup plus important que celui d’atteindre la Terre promise géographique. Dans le conflit qui l’oppose à Moïse, Pharaon reçoit l’ordre suivant : « Laisse partir mon peuple, qu’il me rendre un culte dans le désert » (Ex, 7,16). On voit bien dans ce passage que l’objectif principal de l’Exode est l’adoration dans la forme liturgique que Dieu proposera ensuite à son Peuple. La Bible récapitule ainsi toute une pédagogie divine qui vise à enseigner à l’homme les chemins de sa relation à Dieu.

Avant de se révéler à Moïse, Dieu prépare son élu en lui permettant de développer progressivement une prise de conscience qui le rende apte au dialogue avec Lui. Il est intéressant de noter que la Liturgie de l’Eglise, dans sa structure fondamentale, n’a fait que se calquer sur cette pédagogie divine. C’est ce que rappelle Hélène Lubienska, disciple de Maria Montessori et spécialiste de la pédagogie religieuse, dans son ouvrage «la Liturgie du Geste».

Reprenons le texte et relevons-en avec elle les traits essentiels (Ex, 3, 1-6) :
  1. Dieu ne se laisse connaître que dans un lieu propice au recueillement (en l’occurrence le désert). La Liturgie s’attache toujours d’abord à aménager ce lieu en jouant notamment sur la tension obscurité/lumière
  2. L’Ange de Yahvé apparaît à Moïse dans une flamme. Le Pédagogue divin éveille la conscience de son serviteur en interpellant ses sens qui sont les fenêtres de l’âme comme le rappelle saint Thomas. La Liturgie s’appuie sur tous les stimulants sensoriels possibles pour éveiller la conscience des fidèles : regard, ouïe, odorat sont marqués par des impressions dont la nature symbolique est propre à élever l’âme... du visible vers l’Invisible…
  3. Moïse dit ensuite : « je veux me retourner pour voir cette vision ». La conscience ayant été éveillée, le fidèle, tout comme Moïse, se détourne du monde éphémère et se dispose à entendre l’appel de Dieu.
  4. Dieu appel Moïse qui répond immédiatement « Me voici ». Ayant été bien préparé la conscience acquiesce généreusement à cet appel vibrant.
  5. Dieu ajoute ensuite : « Ne t’approche pas d’ici, ôte les sandales de tes pieds ». Dieu ne se laisse saisir que par le truchement de rites qui empoignent l’homme corps, âme et esprit pour l’ouvrir progressivement aux profondeurs de sa Miséricorde. Les rites liturgiques (décrits notamment en rouge dans le Missel) enseignent à l’homme l’attitude physico-psychique qui peut permettre à son esprit de s’ouvrir à la Présence de Dieu.
  6. Dieu conclut cette séquence en se révélant : « Je suis le Dieu de ton Père, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ». On voit comment les rites que Dieu propose à l’homme (« ôte tes sandales »), le conduise à la connaissance intime de sa Présence.
On notera donc comment ces éléments de pédagogie divine structurent la vie Liturgique de l’Eglise et combien donc cette Liturgie est d’essence biblique.

Pour favoriser le développement spirituel des enfants et leur donner l’occasion de rencontrer Dieu, il convient de leur créer ce milieu favorable en s’inspirant de la structure biblique décrite précédemment. Chaque parent peut en concevoir le plan en respectant les éléments de la pédagogie divine : un lieu propice au recueillement qui provoque un « étonnement » sensoriel et qui exige une tenue faite de vigilance. Pour que les plus petits puissent s’approprier ce lieu de prière, il est bon d’y disposer quelques belles images ou statuettes qu’ils pourront manipuler à leur guise. Ce lieu prendra de préférence une ressemblance avec l’Eglise et notamment son point focal qu’est l’autel.

Petite application pratique de la mise en place d'un atrium

Nous avons réalisé le nôtre de la façon suivante : un petit autel couvert d’une nappe qui change suivant le temps liturgique, un grand tableau du Bon Pasteur, une petite croix en émail, un berger et un mouton, deux cierges et un petit palmier. Chaque objet à une valeur symbolique pour orienter l’esprit et lui ouvrir un chemin de contemplation.



Le bon Pasteur : pour les Pères de l’Eglise, la parabole de la brebis perdue est certainement celle qui évoque le mieux cet Amour de Dieu qui guide et qui protège. Le bon Pasteur porte chacun d’entre nous. L’enfant en regardant cette image découvre déjà la personnalité de Celui qui sera le Chemin de sa vie spirituelle. Petit à petit, il comprendra que le Christ Bon Berger est cet Homme-Dieu qui souhaite emmener chaque être humain pour le ramener à la maison du Père en qui réside le principe de toute chose.


La croix : elle est à la fois le résumé de la foi chrétienne et son signe fondamental. Elle récapitule toute l’histoire sainte et celle du cosmos en étant cet Arbre de vie dont la Miséricorde « ouvrit les bras et embrassa le cercle de la terre » (Grégoire de Nysse). Elle est le signe par lequel nous appelons sur nous toutes les bénédictions de Dieu.

Le Berger : figure religieuse de la Bible, il représente l’homme non sédentaire, celui qui est capable de quitter sa terre comme Abraham pour partir à la rencontre de Dieu. Il symbolise aussi l’homme qui veille, le sage qui sait voir car il reste éveillé.


symbole de l’ascension spirituelle, la bougie allumée nous rappelle notre besoin de « verticalité ». Deux bougies éclairent ce lieu de retraite, car chaque nombre dans la Bible renvoie à une lettre de l’alphabet hébraïque. Chacune comporte une signification spirituelle. Le nombre "deux" renvoie à la lettre «Beit». La signification archaïque de cette lettre est la maison (Bethléem, la maison du pain), ce lieu qui réunit l’amour de l’homme et de la femme, impliquant l’intimité et l’ouverture vers l’infini. C’est la première lettre de la Bible qui en résume toute la portée en rappelant le prologue de l’Evangile de saint Jean : Dans le principe est l’Amour…

Le palmier : « les justes croissent comme le palmier » nous enseigne le psaume 92 de la Bible. Le palmier ne doit sa survie qu’à la présence d’une nappe d’eau dans le désert. Cet arbre vigoureux et élancé offre au voyageur toutes les vertus nutritives dont il a besoin pour poursuivre sa marche. Ses caractéristiques en font l’un des symboles majeurs de la vie chrétienne. Ses profondes racines font sa force et lui permettent de conserver ses palmes toujours vertes malgré la chaleur. Son écorce extérieure est rude mais son cœur est tendre. C’est un arbre protecteur dont la haute stature permet la floraison d’autres arbres et cultures (orangers, abricotiers oliviers, etc) Par sa présence visible dans le désert, il indique au voyageur la présence de l’eau qui désaltère.

Ce petit Atrium ressemble donc à un petit guide spirituel vivant. Chaque symbole est un point d’appui. Pour l’adulte le geste traduit un état d’âme. Pour l’enfant, chaque geste lui enseigne une disposition spirituelle qu’il ne pourrait assimiler par des paroles.

Quelques petits rites viennent rythmer ce moment de calme. Chacun prend son coussin pour s’agenouiller. La lumière paisible des cierges invite à retrouver l’essentiel. Quelques chants, quelques paroles d’actions de grâce, un baiser de la croix, et du silence avant qu’un petit souffle vienne endormir la flamme invitant chacun à profiter du mystère de la nuit.

Tradition, pédagogie religieuse, et narration sacrée

Les textes sacrés rassemblés dans cette grande bibliothèque hébraïque qu’est la Bible rapportent l’intervention de Dieu dans l’histoire des hommes. Ces textes sacrés contiennent donc l’information « génétique » destinée à la formation de l’homme nouveau et du peuple de Dieu.
Cette information se transmet d’âge en âge à travers le récit qu’on en fait dans les familles et par la participation liturgique qui en manifeste la vitalité permanente. La famille comme lieu de transmission de la vie est concernée au premier chef par cette actualisation de la Tradition dont les textes bibliques sont comme le génome pour employer une image du langage génétique.
Dans les cultures plus anciennes, le récit était le fondement naturel de toute la pédagogie de la transmission. Ce savoir qui faisait la richesse des échanges familiaux s’est un peu perdu au fil des évolutions culturelles. Il est pourtant essentiel à toute transmission vivante. Son abandon fait courir le risque de transformer l’expérience de Dieu transmise à travers ces récits en une simple instruction morale. La « mémoire » des interventions divines faites à travers l’histoire n’a rien pourtant rien d’une simple leçon. Elle est l’expérience, génération après génération, d’une connaissance vivante de Dieu.

La pédagogie religieuse présentée par l’Atrium du Bon Berger place le « savoir-raconter » au cœur de la vie religieuse familiale. L’écoute de la Parole de Dieu est avant tout une expérience spirituelle qui prend source directement dans les textes sacrés. La « lectio divina » est un peu l’arche d’alliance de toute communauté humaine qui veut porter la présence Dieu dans le monde. Elle est l’expérience commune de toute famille qui reconnaît avant tout la filiation divine. Elle incarne aussi une expérience religieuse qui transcende chaque génération pour l’ouvrir aux manifestations du Royaume.

Dans leur ouvrage commun « Young children and Worship », Sonja M. Stewart et Jérôme Berryman soulignent combien la pédagogie narrative des récits sacrés est approprié pour développer le sens de l’adoration chez les enfants. « Dans l’adoration, à travers le pouvoir de l’Esprit-Saint, Dieu se fait connaître par l’écoute de sa Parole. En entrant dans l’histoire sacrée, nous expérimentons et nous connaissons Dieu. Nous avons dit que ce processus d’entrée dans l’Ecriture implique la mémoire (anamnèse). A travers la mémoire, l’imagination et la recherche de sens, nous n’apportons pas au texte notre seule expérience personnelle mais aussi l’expérience de l’Eglise à travers les âges. Ces histoires, si sacrées pour la communauté, ne sont jamais laissées de côté une fois racontées. Bien au contraire, elles sont redites encore et encore, d’une génération à l’autre, en renouvelant constamment notre connaissance de Dieu, en approfondissant notre foi, et en régénérant notre monde (…). Puisqu’en relation à l’adoration, l’histoire sacrée est le moyen par lequel la communauté rencontre Dieu, la fonction de celui qui la raconte n’est pas l’instruction d’une audience d’étudiants. Le narrateur veut s’effacer devant l’histoire pour que d’autres puissent y rentrer et que chacun puisse expérimenter prier et écouter Dieu. C’est une expérience partagée du sacré qui forme et unifie la communauté chrétienne ».

Poursuivons cette intelligence de la narration biblique avec nos deux auteurs.

La nature du récit biblique

« Le récit biblique utilise une technique particulière qui rend les l’histoire intéressante et signifiante tant pour les enfants que pour les adultes. Les histoires bibliques rapportent que les actions et les descriptions essentielles à l’histoire. L’omission de définitions et de détails inutiles laisse de la place pour le silence à travers lequel l’auditeur expérimente le mystère, l’admiration et l’émerveillement si caractéristiques de l’histoire sacrée. L’utilisation de mots essentiels et de silences signifiants comme l’omission des détails est malheureusement souvent négligée par les narrateurs. Parce qu’ils ne comprennent pas la nature de l’histoire biblique et la fonction de l’anamnèse, ils comblent les silences avec des explications et des définitions se persuadant qu’ils rendent l’histoire plus intelligible. En faisant ainsi ils éliminent toute place pour l’imagination et le travail de l’Esprit-Saint, rendant alors l’histoire difficile à mémoriser et parfois aussi à croire ».

Les récits pour les enfants

« En voulant retrouver le chemin des narrations bibliques, nous avons essayé de découvrir les éléments essentiels de l’histoire et de les raconter sans aucun embellissement. Rester proche du texte aide à éliminer les mots inutiles tandis que l’utilisation du matériel pour raconter l’histoire donne des occasions de silences signifiants. Par exemple, pour la parabole du Bon Berger et de la brebis perdue, nous n’interrompons pas le récit en nommant les brebis lorsque nous les faisons entrer dans la bergerie. Elles sont placées en silence. Souvent, le silence a plus de pouvoir pour attirer et retenir l’attention que les mots ».

Le choix des histoires

« Notre décision de choisir telle ou telle histoire pour les enfants est guidée par la nature des récits bibliques eux-mêmes. Si le principe consistant à raconter l’essentiel et à omettre le superflu est appliqué, cela signifie que nous raconterons les histoires les plus caractéristiques de notre formation comme Peuple de Dieu. Les histoires qui approfondissent et fournissent plus de détails sont racontées plus tard. Par exemple, l’histoire de l’Exode est fondamentale. Son thème majeur c’est la situation d’esclavage du Peule de Dieu et sa libération et que Dieu les a mené à la liberté en leur faisant traverser les eaux. Les enfants n’ont pas besoin de connaître le détail de la naissance de Moïse, comment il a quitté puis est retourné en Egypte, les plaies subies par les égyptiens, pour comprendre l’Exode. Ces détails qui sont un approfondissement seront racontés plus tard. Les récits de l’Ancienne Alliance qui sont fondamentales pour la formation du Peuple de Dieu sont celles qui donnent sens à notre vie : la Création, le déluge, l’Exode, le don de la Loi, l’Arche d’alliance, la terre promise, le Temple et l’exil (on retrouve ici les grands thèmes de la Vigile Pascale). En commençant avec l’Avent nous suivons les thèmes de l’année liturgique en utilisant les récits de la naissance de Jésus, de la visite au Temple, du baptême, de la tentation dans le désert, continuant avec les paraboles qui représentent la proclamation par Jésus du Royaume de Dieu. La mort de Jésus, la résurrection, l’ascension et la venue de l’Esprit-Saint sont racontés pendant le carême, de Pâques et de la Pentecôte. De cette façon, l’histoire unique de la création de Dieu et de la rédemption est présentée de façon essentielle et séquencée (…).
Ces histoires correspondent aussi aux besoins des enfants et s’adressent notamment à leurs craintes. Les enfants ont besoin d’amour, de sécurité, de stabilité pour eux et pour leur environnement. Ils ont aussi besoin de créer du sens et d’ordonner leur vie comme aussi d’affronter leurs peurs. Ces récits répondent à leur crainte d’être abandonnés, d’être seuls, de souffrir et enfin de mourir. Quand ils apprennent à rentrer dans ces histoires pour rencontrer Dieu, ils ont un outil pour vivre et découvrir du sens en tout lieu et en tout temps ».


Parole et Action (le matériel)

« Les jeunes enfants apprennent grâce à leur corps autant qu’avec leur esprit. Le mouvement, la vue, les sons, les odeurs, le goût et le toucher sont autant de canaux de connaissance. Ainsi les récits bibliques doivent être traduits en figures et dans un matériel que les enfants puissent voir et mouvoir leur donnant ainsi une capacité motrice et sensorielle pour absorber l’histoire et répondre à l’invitation qu’elle représente.
Dans la sainte Liturgie, la parole (texte sacré) et le geste (mouvement décrit) par la rubrique ont pour fonction d’unir corps et esprit dans un même acte d’adoration. Sur ce même modèle, les enfants sont aidés à se former des images de l’Ecriture en recevant le récit de façon visuelle et motrice. C’est la raison pour laquelle nous traduisons les récits et les paraboles en un matériel que les enfants peuvent voir et avec lequel ils puissent travailler ».

Bouger les figures

Le même principe consistant à utiliser uniquement l’essentiel s’applique aussi pour le matériel. Les figures sont faites avec le moins de détails possibles, particulièrement les visages, puisque les enfants ont une tendance à se focaliser dessus. Elles sont déplacées avec une économie de mouvement pour éviter toute distraction.
Le mouvement du matériel répond à plusieurs objectifs. D’abord il rend possible l’intelligence visuelle et kinesthésique. L’histoire est expérimentée à travers les mains, les doigts et le corps. Elle permet aussi la représentation mentale. Les images sont fondamentales pour la pensée et le développement des concepts. L’une des tâches de la petite enfance et la formation d’images sur lesquels puissent se construirez une identité et une représentation du monde.

Préparation du narrateur

« Cette préparation est de première importance. Le narrateur doit personnellement avoir le sens du mystère, de la grandeur, et de la présence de Dieu à travers l’histoire qu’il raconte. Il est bon si possible d’entre un narrateur expérimenté raconter le récit avant de se lancer. Il est nécessaire de lire le passage dans la Bible, de le méditer et de s’en imprégner. Une fois que l’on sent que l’histoire a pris forme en soi, on peut lire la présentation et les instructions concernant la manipulation du matériel. Après il faut s’entraîner à manipuler le matériel sans dire un mot. Ensuite seulement on peut recommencer en racontant l’histoire. Alors l’esprit et le corps, la mémoire et le mouvement se combinent pour raconter l’histoire. Les adultes oublient combien on peut apprendre avec le corps et redécouvre cette capacité en racontant l’histoire avec le matériel. Les enfants au contraire sont très conscients de cette capacité. Parfois en écoutant et regardant l’histoire, ils se mettent à bouger les mains pour imiter les gestes du narrateur.
Lorsque vous pratiquez, gardez les yeux sur le matériel. Vous êtes entrés dans le monde du récit. En levant les yeux vous sortirez de ce monde. Puisque le but est de faire entrer les enfants dans cette histoire, vous éviterez aussi tout échange de regards pendant la présentation.
Quand vous parlez, faites le avec une économie de mot pour éviter de distraire les enfants ou de créer de la confusion par une multitude de détails. Vous devez aussi porter attention au son et au rythme de votre voix. Parlez lentement pour que l’enfant puisse entendre et se représenter le mot.
 

Dieu, l'enfant et nous

Sur une question aussi intime et personnelle que l'activité religieuse, nous pouvons avoir une difficulté à déterminer comment il est souhaitable d'accompagner l'enfant dans sa croissance spirituelle. Entre lui imposer une "astreinte" religieuse quotidienne et le laisser sans nourriture jusqu'à ce qu'il choisisse totalement de lui-même un éventuel chemin spirituel, y a-t-il une alternative qui respecte l'enfant et ses aspirations?
C'est un sujet complexe. Nous ne donnerons que quelques pistes de réflexions qui sont le fruit d'expériences religieuses parmi les enfants.

Voilà deux mois, nous avons vécu l'histoire suivante. Une petite fille vient chez nous et joue dans la chambre de notre fils. Soudain, son regard se fixe. Elle aperçoit un petit crucifix. Elle le prend dans ses mains, me regarde et me dit: "tu crois en Jésus". Je réponds "oui". Elle reprend: "mes parents n'y croient pas mais moi si car sans lui tout s'effondrerait autour de nous". No comment...

Maria Montessori rapporte dans le premier volume de sa Pédagogie scientifique une histoire semblable. Un enfant n'ayant reçu aucune éducation religieuse fonds un jour en larme en disant:"Ne me grondez pas; en regardant la lune, j'ai senti la peine que je vous ai faite et j'ai compris que j'ai offensé Dieu".

Dans son ouvrage intitulé "Le potentiel religieux de l'enfant", Sofia Cavalletti (une disciple de Maria Montessori qui a consacré une large partie de sa vie à la pédagogie religieuse) relate d'autres expériences de ce type. Elle rapporte qu'un petit garçon de cinq ans nommé Francesco demande un jour à a mère: "Qu'aimes-tu le plus, moi ou Dieu"? Sa mère, non croyante, lui répond: "c'est toi que j'aime le plus". Et le petit Francesco de la reprendre:"Je pense que c'est une grosse erreur".

En ce domaine, plus encore qu'en tout autre, il nous faut laisser de côté nos à priori d'adultes et recourir à l'observation pour découvrir les lois du psychisme de l'enfant. Tout le temps de la grossesse devrait d'ailleurs nous aider à porter un regard juste sur lui. Nous parlons facilement de "notre" enfant. Mais, nous savons bien que notre action volontaire apporte peu au développement embryonnaire. L'âme d'un enfant est un mystère qui nous échappe. Mais, comme la sage-femme qui sait accompagner la vie jusqu'à la naissance, nous avons pour mission de servir le développement de sa personnalité. Nous ne sommes pas les constructeurs de sa vie, nous en sommes les serviteurs.


Afin de pouvoir accomplir cette mission, il nous faut partir à la découverte de l'enfant. Lui-même nous montre le chemin que nous pouvons emprunter pour servir son développement. C'est en comprenant toutes les lois physiologiques, psychiques et spirituelles qui le tissent que nous pouvons lui apporter l'aide qu'il recherche.

Quelles sont donc les traits qui caractérisent l'embryon spirituel qu'est l'enfant?
  1. L'enfant montre une capacité d'émerveillement permanente: un rien peut l'étonner (c'est à dire frapper son psychisme comme un coup de tonnerre) et absorber son regard un long moment.
  2. L'enfant est un être qui cherche l'amour dans la relation: il semble en avoir un besoin infini qu'aucune présence humaine ne parvient à combler. Pour autant, il nous prend facilement dans ses bras et peut parvenir à nous consoler.
  3. L'enfant possède un mode de connaissance unique: il formule souvent des questions et des réponses qui nous laissent sans voix comme s'il possédait un don prophétique capable de nous remettre au contact de la vérité.
  4. L'enfant est un être de prière: il la connaît dans sa forme la plus pure et théocentrique dans les actes de louange spontanés et d'action de grâce.
L'adulte, qui apprend à observer ces notes caractéristiques de l'esprit des plus petits, trouvera l'attitude juste qui lui permettra de guider leurs pas sans enfreindre leur liberté. Il verra aussi que la sentence de Jésus de Nazareth "si vous n'êtes pas comme ces petits enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux" contient une information de type scientifique sur les lois de développement spirituel de l'être humain. L'enfant semble plus que nous conscient de son origine. C'est peut-être ce que leur reconnaît particulièrement Celui qui s'est dit "Venu de Dieu"...

Montessori et le développement spirituel de l'enfant

Maria Montessori est une catholique qui a beaucoup réfléchi à la question du développement spirituel de l'enfant. Son anthropologie a clairement une finalité spirituelle. Ses travaux et ses nombreuses observations pédagogiques lui ont permis de mettre à la disposition des plus petits les trésors de la Liturgie et de la Bible.
A l'heure actuelle, des thèses s'écrivent à travers le monde pour mettre en lumière l'apport de Maria Montessori en matière de pédagogie religieuse. Car, son œuvre pédagogique est aussi une mine de découvertes pouvant servir au développement spirituel des enfants. L'une de ses observations fondamentales peut se résumer ainsi: les enfants ont manifestement une capacité profonde à respecter et à aimer la vie; ils ont par ailleurs la faculté de reconnaître son Auteur en s'évitant les cheminements souvent laborieux du pèlerin adulte...
"La religion elle-même n'est pas quelque chose qui  doit être donnée à l'enfant; ce n'est pas quelque chose qui doit être enseignée. Les hommes sont religieux depuis le commencement de l'histoire, toutes les cultures primitives avaient une langue et une religion. Nous savons que que le sentiment de l'existence de Dieu existe dans le cœur de l'enfant. Ce n'est pas conscient, mais c'est bien là et cela ne peut être perdu bien que cette réalité puisse être obscurcie. C'est quelque chose qui demande à grandir doucement. Le plus important est de ne pas interférer. Le plante ne pourra en effet fleurir si une main impatiente vient en détruire les bourgeons. Nous devons regarder attentivement cette plante, lui donner les conditions optimales de croissance, la protéger du froid et des mauvais temps, mais nous devons surtout avoir la patience de la voir croître en son temps et selon son propre chemin".
On le voit, pour Maria Montessori l'éducation religieuse est bien loin d'être une impérieuse prescription morale. Elle est d'abord la reconnaissance du germe divin qui repose dans l'âme de l'enfant. Comme dans tout le reste de sa pédagogie, Maria Montessori identifie les périodes sensibles afin de donner à l'enfant la nourriture adéquate. La nature est si bien faite qu'en informant le jeune enfant des réalités religieuses, on évitera d'en faire un idéologue ou un réceptacle de formules dogmatiques. Un temps viendra où des connaissances plus abstraites viendront enrichir son terreau spirituel. Mais, au commencement, on évitera soigneusement de lui faire porter le poids d'instructions qui ne peuvent trouver écho dans son cœur. Ainsi se développera chez lui la conscience et le goût de la prière.
"Cette approche signifie que nous voulons donner la religion sous une forme que l'enfant puisse comprendre et qui corresponde à son stade de développement. Nous ne devons pas réduire la religion chez l'enfant à un acte de mémorisation de formules. En faisant ainsi, nous construisons une barrière qui empêchera l'enfant d'accepter, de comprendre et d'aimer les vérités qui lui seront présentées par la suite. La religion, dans l'esprit de l'enfant, ne devrait jamais être identifiée avec une leçon scolaire, des récitations et des interrogatoires. Il ne devrait pas l'associer à des faits mémorisables ou à des règles sujettes à obéissance. S'il pense la religion ainsi, jamais elle ne deviendra une réalité pour lui. La vraie religion n'est pas juste une information qui peut s'enseigner dans une classe à une heure donnée. C'est quelque chose de mystérieux et d'indicible qui peut être communiqué directement uniquement à de rares moments d'inspiration, mais qui s'exprime d'une façon médiate à travers les cérémonies traditionnelles".

Sur ce terrain délicat, Maria Montessori va une nouvelle fois faire preuve d'une audace marquée de ses observations scientifiques. En respectant la nature pré-conceptuelle de l'esprit de l'enfant, en accompagnant sa prise de conscience au contacte des expériences les plus simples de la vie, la doctoresse livre à nouveau une clé essentielle pour permettre à l'enfant de connaître une véritable germination spirituelle. Les formules trop tôt venues tarissent cette terre prometteuse. Seule l'expérience vivante permet à l'enfant de déployer son axe spirituel sans craindre que ses bourgeons encore fragiles ne soient balayés par la rationalité adulte.

La première sensibilité religieuse du petit enfant commence très tôt. Maria Montessori pensait même que les nourrissons pouvaient tirer un bénéfice spirituel de leur "participation" aux offices. "Ce qui est certain, c'est que de tous jeunes enfants ne manquent pas d'être captivés par la solennité et la richesse des cérémonies religieuses comme par les dimensions "vertigineuses" des édifices qui les abritent". Pour Maria Montessori, cette période est idéale pour que l'enfant s'imprègne des traditions liturgiques et développe le sens de la prière. A ce stade (0-6 ans), les enfants n'ont nullement besoin de comprendre la théologie qui sous-tend ces événements. La beauté des cérémonies et la multitude des gestes sacrés qui leur donnent vie suffisent amplement à combler leur cœur. 
Maria Montessori s'exprimait en ces termes au sujet de Noël dont la signification tendait déjà à se perdre: "Il est dommage que les enfants modernes manquent  la vraie signification de Noël en raison du trop grand nombre de distractions qui les en détournent". Elle regrette ensuite le temps de son enfance où, en Italie, la coutume voulait que l'on offre les cadeaux à l'Épiphanie.

"Le jour de Noël était consacré aux belles cérémonies auxquelles les enfants prenaient part. Ils étaient impressionnés de voir tant de gens quitter leur lit pour se rendre à la messe de minuit et célébrer la naissance de l'Enfant-Jésus. Ces enfants avaient la religion dans leur environnement; ils pouvaient l'absorber de la façon la plus naturelle qui soit. Le seul enseignement que l'on peut traduire par des mots à cet âge (0-4ans), c'est que Dieu a créé le monde, qu'il aime et prend soin de chacune de ses créatures".

Dans la période qui suit, lorsque les enfants commencent à développer leur sens moral notamment à travers de forts sentiments envers les plus jeunes enfants, la présentation de l'histoire de la nativité viendra à point nommé pour approfondir leur désir de connaître cet Enfant-Jésus. Par ailleurs, comme les enfants montrent entre 6 et 12 ans un grand intérêt pour les questions liées au "bon" et au "mauvais", il faudra multiplier les occasions de répondre et d'échanger avec eux lorsque des situations se présenteront. Les principes de vie que l'enfant pourra alors dégager de ces expériences s'enracineront bien plus profondément qu'un pur exposé de normes morales. Une fois reconnus par l'expérience, ces principes de vie serviront de guide au futur adolescent qui sera moins facilement sujet aux sirènes de l'opinion populaire. Ainsi dans la pédagogie Montessori, le développement moral ne passe pas principalement par des leçons, mais par l'expérience dans le cadre de la vie sociale. Les principes extraits de l'expérience seront alors une véritable boussole qui guidera l'enfant concrètement au fil des situations rencontrées. Cela lui donnera petit à petit une réelle capacité à s'affirmer au milieu des autres mais aussi la faculté de répondre aux problématiques qui se poseront au sein des groupes dont il fera partie.

Enfin, Maria Montessori a longuement insisté lors des ses nombreuses interventions, sur la nécessité d'impliquer les mains de l'enfant dans son développement spirituel. C'est à partir de ce principe que la pédagogue a déployé un puissant enseignement religieux basé à titre principal sur la culture liturgique.
"Je reconnais que lorsque les mains et l'esprit ne sont pas unis, il n'y a pas unité de l'individu et de là vient notamment les mauvaises tendances. Cette conclusion est le fruit de mes observations. C'était un nouveau facteur qui m'est venu comme une lumière. Peut-être est-ce difficile à comprendre.C'est probablement la raison pour laquelle nous vivons dans un monde de vertus et de vices qui sont récompensées ou punis, et que les enfants qui montrent de profonds défauts n'ont tout simplement pas eu l'occasion de s'exprimer justement d'une autre manière". Leur énergie psychique s'est tout simplement dispersée, se retournant contre eux et contre leur environnement...

C'est à Barcelone que sa première expérience d'environnement religieux fut mis en œuvre. "La premier mouvement consista à préparer dans l'Eglise un lieu qui soit adapté à leurs proportions. Nous l'avons meublé avec des petites chaises, et nous avons placé le bénitier à la hauteur des genoux d'un adulte. Des petites images ont été suspendues en bas qui changent selon les temps de l'année..."

Montessori poursuit en écrivant:
"Il est apparu, presque à notre grande surprise, un fruit de notre méthode que nous n'avions pas prévu. L'Eglise est ainsi le but vers quoi tend la plus grande part de la méthode que nous dispensons. Certains exercices qui, dans les écoles, ne semblent avoir aucun but précis en dehors, trouvent leur application ici. Le silence, (comme le jeu du silence) qui a préparé l'enfant à rentrer en lui-même, devient le dispositif de retenue intérieure à vivre dans la Maison de Dieu."

Et de conclure: " Religieux, et libres dans leurs opérations intellectuelles et dans le travail qui leur offre notre méthode, les petits montrent qu'ils sont forts en esprit. Ayant grandi de cette manière, ils ne montrent ni timidité ni crainte. Ils manifestent une agréable confiance en soi, le courage, une connaissance calme des choses, et avant tout, la Foi en Dieu, l'Auteur et conservateur de la vie. Les enfants sont tellement capables de faire la distinction entre les matières naturelles et surnaturelles que leur perspicacité nous a donné l'idée qu'il existe une période particulièrement sensible à la religion. L'âge de l'enfance semble être lié étroitement à Dieu, comme le développement du corps est strictement dépendant des lois naturelles qui le transforme à ce moment là".

Maria Montessori a écrit la prière suivante qui peut nourrir l'éducateur comme résumer son programme de vie au service de l'enfant:
"Aide-moi, Seigneur Jésus-Christ,
Toi qui a appelé à toi les enfants,
A les connaître,
A les aimer,
A les servir, 
Selon les lois de ta justice et de ta volonté, 
Toi qui les a créés"


Création et Récit Biblique

La Bible nous transmet des informations fondamentales autant sur la Pensée de Dieu sur les hommes que sur le cheminement de la pensée des hommes pour intégrer progressivement le plan de Dieu. Dans un petit recueil de sermon sur la Création « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre », Joseph Ratzinger s’efforce de lever toute ambiguïté quant à la portée scientifique des récits bibliques tout en soulignant l’actualité permanente de leur dimension religieuse. « La Bible n’est pas un manuel de sciences naturelles, elle n’entend pas l’être. C’est un livre religieux et, en conséquence, on ne peut tirer d’informations concernant les sciences positives, ni y voir comment s’est opérée la genèse du monde du point de vue de l’histoire naturelle, mais seulement y puiser des connaissances de caractère religieux. Tout le reste est image, manière de rendre compréhensible aux hommes les vérités les plus profondes. Il faut distinguer la forme de présentation du contenu présenté. La forme a été choisie selon ce qui était accessible à l’époque, d’après des images avec lesquelles les hommes d’alors vivaient, s’exprimaient et pensaient, grâce auxquelles ils pouvaient comprendre les vérités les plus grandes.

L’Ecriture  n’a pas l’intention de nous raconter comment les espèces de plantes firent leur apparition, comment le soleil, la lune et les étoiles se formèrent, mais, au bout du compte, de nous dire une seule chose : Dieu a créé le monde ».
Les images bibliques, quelques soient les thèmes, évoluent au cours du temps. La Bible les modifie pour clarifier progressivement leur contenu. Mais l’information essentielle demeure toujours.

Création et pensée hébraïque
 La Création est au cœur de la révélation biblique. Elle structure fondamentalement la pensée hébraïque.  Le récit de la Genèse  rapporte la distinction radicale entre le créateur et le créé. Il atteste par ailleurs l’excellence du réel en distinguant soigneusement la création de la chute. Claude Tresmontant, dans son « Essai sur la Pensée Hébraïque », montre bien à quel point l’information biblique est éloignée de la tentation gnostique. « La tradition biblique en même temps qu’elle apporte l’idée de création, distingue radicalement création et chute. La chute, l’origine du mal, ne sont pas liées par essence à la création, à l’origine de l’être. La création est « très bonne ». En distinguant radicalement création et chute, la Bible ouvre une nouvelle dimension pour le problème du mal. L’origine du mal est située ailleurs que dans la genèse elle-même. Il en résulte à l’égard du sensible, une attitude profondément différente de celle de la pensée grecque. Ce n’est pas le sensible, la « matière », le « corps » qui sont mauvais et fautifs.
Tout ce qui est créé est excellent. Rien n’est impur en soi. La cause du mal  est située ailleurs que dans le monde sensible. Le péché est d’un autre ordre, son origine est spirituelle. Le type du péché est le mensonge ».

Dans la Bible, c’est le terme bara qui est utilisé pour traduire l’idée de création. Ce terme n’est alors employé que pour désigner l’action de Dieu. Cette action divine est à distinguer du « savoir-faire » humain. La fabrication est un acte de transformation. La création, que vient désigner le verbe bara, est l’action divine qui produit le nouveau ou le renouveau. Ce verbe indique toujours l’apparition de la nouveauté.

L’hébreu a le sens de la création. Ainsi, il reconnaît toute la valeur du sensible. Loin de vouloir échapper à cet ordre des choses, il cherche à le pénétrer pour en capter toute l’intelligibilité : « les cieux racontent la gloire de Dieu »…Claude Tresmontant insiste sur cette particularité de la pensée hébraïque. « L’hébreu n’a pas l’idée de la matière. Le sensible prendra par là même une importance et jouera un rôle ignoré dans la pensée grecque, où l’idée
 De matière grevait le sensible d’une inintelligibilité essentielle. L’idée de matière exprimait le manichéisme latent de la philosophie grecque.
Dans l’univers biblique, le sensible n’est pas privé de signification. Il n’est pas besoin de lui surajouter, du dehors, une signification qu’il ne comporterait pas par nature. Il suffit de le libérer, d’un dualisme qui en fait une réalité indéterminée et d’une certaine conception  de devenir, du multiple, et de l’existence corporelle.
L’hébreu a l’amour du sensible, parce qu’il n’est pas dualiste : il a le sens, l’intelligence de l’élément, parce qu’il ne condamne pas le sensible à être irréductiblement séparé, distant de l’intelligible, autre que lui. Pour l’hébreu, le sensible n’est pas mauvais ni fautif. Le mal ne vient pas de la « matière ». Le monde est très bon. L’hébreu a le sens du charnel parce qu’il en discerne le suc spirituel. L’univers biblique est exactement à l’opposé de l’univers manichéen. Avoir le sens du charnel, le goût de l’élément, et le sens de la contemplation et du spirituel, c’est tout un point de vue biblique, parce que le monde sensible est langage, il a été créé par la parole. »


Création et anthropologie
 Le récit de la création décrit une série d’étape. L’ultime étape est la création de l’homme. Puis Dieu se retire pour réellement associer l’homme à l’achèvement de son œuvre. L’histoire devient alors le temps de la coopération entre l’Action divine et l’action humaine scellée par une Alliance. Claude Tresmontant poursuit : « Dieu a créé le monde, mais la création à son tour continue de s’inventer. L’homme, en particulier, est créateur de sa vie et de sa destinée. L’homme est un être temporel parce qu’il n’est pas achevé et qu’il a le pouvoir de collaborer à sa destinée, de l’inventer. La destinée de chacun n’est pas écrite dans un livre idéal qu’il faudrait recopier. La vocation particulière de chaque homme n’est pas un chemin tout tracé qu’il faudrait suivre pas à pas. Dieu ne nous prescrit pas de modèle qu’il faudrait suivre avec obéissance. Il nous demande d’être créateurs, inventeurs originaux de cette route unique à laquelle nous sommes appelés ».

Le récit de la création veut nous dévoiler quel est le projet de Dieu pour l’homme tout en répondant à la question « qui est l’homme ? ».
Joseph Ratzinger commente ainsi ce récit où il est question de la formation de l’homme à partir de la poussière du sol : « Nous sommes tous faits d’une même terre. Il n’y a pas de « sang », de « sol » différents. Il n’y a pas d’homme fondamentalement différent, comme le pensaient les mythes de tant de religions et comme l’affirment aussi certaines conditions du monde, y compris à notre époque. (…). Nous formons tous une même humanité formée d’une même terre de Dieu. Cette pensée se trouve au cœur de tout le récit de la Création et de toute la Bible.

L’autre information anthropologique importante dévoilée par ces textes concerne l’homme-image de Dieu. Joseph Ratzinger se livre à la méditation suivante : « L’homme fut fait parce que Dieu souffla dans les narines de son corps, dont le matériau était la glaise. La réalité divine fait son entrée dans le monde. L’homme fut fait à l’image et à la ressemblance de Dieu. En lui se rejoignent le ciel et la terre. En lui, Dieu s’introduit dans la Création. L’homme est un « aller droit à Dieu », il est appelé par Lui. Dieu connaît et aime chaque homme. Chacun est voulu par Dieu, chacun est image de Dieu. La cause plus générale et la profonde unité du genre humain réside en ceci que chacun de nous réalise un projet unique de Dieu, surgit d’une même idée créatrice ».
La vie humaine peut devenir donc participation au Projet de Dieu. Dans une alliance libre et choisie, elle concourt alors à cette maturation qui conduira progressivement à la plénitude des temps comme réalisation suprême de l’Alliance entre Dieu et les hommes. Cette transformation personnelle qui doit nous conduire à la divinisation a tout d’un labeur créateur. Saint Paul le dit bien : nous sommes les co-ouvriers de Dieu (1, Cor, 3, 9)…

Création et Révélation
Nous avons vu que pour l’hébreu il n’y a pas de dichotomie entre le sensible et l’intelligible. Le sensible n’est pas à fuir. Bien au contraire, il faut l’approfondir pour en capter tout le suc intelligible. Jésus, fidèle à la tradition hébraïque, enseignera les plus hauts mystères à partir de la réalité la plus commune. Pour évoquer le Royaume de Dieu, Jeschoua s’appuie sur les réalités terrestres de son environnement : le semeur, la femme et le levain, le grain de blé, etc.
La création est donc un langage propre à nous faire saisir les réalités ultimes. La spiritualité chrétienne ne consistera donc jamais à fuir le réel sensible. Au contraire, elle est un approfondissement, permanent et jamais clôt, du monde créé pour le conduire à son achèvement qui sera comme un embrasement d’Amour entre Dieu et l’homme.
Jeschoua nous ouvre le chemin de cette pédagogie divine. « Le Royaume de Dieu est semblable à  … ». Puisque le réel est propre à nous enseigner la vie divine, toutes nos expériences profondément humaines ont cette capacité de nous révéler quelque chose du Royaume. Nous avons peut être trop souvent pris l’habitude de dissocier notre œuvre spirituelle des nos expériences quotidiennes. Pourtant comme le montre aussi bien la pensée biblique que la pédagogie de Jeschoua toute expérience de ce monde peut contribuer à faire grandir le royaume en chacun d’entre nous. Toute expérience vitale regorge d’informations. Le réel révèle son sens à mesure que nous l’épousons…Quant à la révélation, elle nous dévoile le sens ultime de la création pour nous permettre de contribuer pleinement au grand Projet de Dieu.