Affichage des articles dont le libellé est Pédagogie religieuse. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Pédagogie religieuse. Afficher tous les articles

mardi 9 août 2011

Le monde religieux des jeunes enfants d'après Sofia Cavalletti

Sofia Cavelletti, après avoir reconnu le potentiel religieux des plus jeunes enfants, a poursuivi son travail d'observation pour identifier plus encore leurs caractéristiques et ainsi mieux répondre à leurs besoins vitaux.

" Lorsque nous sommes avec des enfants âgés de  3 à 6 ans, nous sommes vraiment avec des personnes d'un monde différent du nôtre. Leur façon de vivre leur relation avec Dieu est fort différente de la nôtre. Arrêtons-nous instant et entrons quelques instants dans leur monde pour en capter quelques aspects. 
L'une des caractéristiques de la vie religieuse des tout jeunes enfants concernent la joie dont ils sont capables quand ils sont accompagnés pour se rapprocher de Dieu. Beaucoup de choses rendent les enfants joyeux, mais il existe différentes qualités de joie.Il existe une forme de joie qui laissent les enfants nerveux, tendus et fatigués.La joie qu'ils ressentent quand ils se rapprochent de Dieu les rend paisibles et relaxés comme si quelque chose de très profond avait frappé leur cœur et qu'il continuait de l'écouter au plus profond d'eux-mêmes.

Il y a toujours une réponse avec ce type de joie lorsque les enfants entendent la parabole du Bon Berger. Ils donnent l'impression d'être très à l'aise avec le Bon Berger. La spontanéité de leurs expressions religieuses provient du plus profond de leur cœur comme si elles leur étaient tout à fait naturelles.
L'expérience religieuse est si profonde et la sérénité qu'elle procure si grande qu'elle répond significativement aux besoins vitaux de l'enfant. Quand nous aidons un enfant à rencontrer Dieu, nous répondons à une requête tacite de leur part:" Aide-moi à me rapprocher de Dieu. Aide-moi à être pleinement qui je suis".

LA FAIM DE L'ENFANT
Pourquoi commencer l'éducation religieuse si tôt? " Ma réponse à ces questions est basée que l'enfant est déjà une personne et pas seulement le futur adolescent ou adulte. L'enfant est une personne avec des capacités et des besoins qui demandent à être nourris dès maintenant. Les premières années de la vie sont la période la plus créative. Bon nombre de psychologues disent que 80% de nos capacités sont formés à l'âge de 3 ans. D'un point de vue spirituel, cette période créative est tout aussi importante pour leur croissance.
Les jeunes enfants n'ont pas seulement des capacités religieuses, mais aussi une véritable faim religieuse. Cette faim n'est pas toujours facile à satisfaire, car les petits enfants vivent leur relation à Dieu d'une façon très différente de la nôtre. Mais ce fait est aussi la source de dons merveilleux qui nous sont offerts quand nous essayons de nourrir leur faim de Dieu. Après tout, Dieu n'est pas seulement le Dieu des adultes, et si Jésus nous demande d'être comme des petits enfants pour entrer dans le Royaume de Dieu, c'est certainement parce que les plus petits ont quelque chose à nous enseigner.

LE CHEMIN DE L'ENFANT
Voici quelques exemples concrets pour vous montrer ce que j'entends par "capacités religieuses de l'enfant avant de détailler les plus spécifiques.
Un jour, un groupe visitait notre centre catéchétique. Ils remarquèrent une petite fille de 5 ans qui était en train de mélanger de la farine avec de la levure puis sans levure pour voir la différence (cette activité est liée à la parabole du levain). Je lui demandais ensuite si elle voulait bien expliquer aux visiteurs ce qu'elle était en train de faire, car c'était plutôt inhabituel de voir une petite fille fabriquer du pain. Elle répondit à ma question: " Je suis en train de regarder comment grandit le Royaume de Dieu" comme si elle voyait réellement grandir le Royaume de Dieu sous ses yeux.
Une autre fois je présentais le sacrement du baptême à un groupe d'enfants de 4 à 6 ans. Je voulais les aider à comprendre la signification du geste de l'imposition des mains et le geste de l'invocation au Saint-Esprit. Je pensais que cela leur serait trop difficile mais je souhaitais essayer. J'enlevais donc un anneau que j'avais au doigt, le mettais dans ma main, puis je l'étendais et je laissais finalement l'anneau tomber de ma main dans la main d'un enfant. Après je répétais ce geste une fois encore en disant: "Quand je veux vous faire un cadeau, je dois ouvrir la main, sinon le cadeau ne passe pas de moi à vous. Puis je répétais le geste une fois encore sans l'anneau en disant: " quand le prêtre fait ce geste pendant le baptême, nous ne voyons rien tomber de sa main, savez-vous pourquoi? La plupart répondirent comme s'il s'agissait d'une question évidente: "Parce qu'il nous donne le Saint-Esprit". C'était si clair et si simple pour eux.

LA CAPACITÉ DE VIVRE LA JOIE
Les jeunes enfants ont une capacité naturelle à se réjouir d'une manière très profonde de la relation qu'ils ont avec Dieu. Ils sont capables de se réjouir de la présence de Dieu; ils sont capables de se donner totalement à l'Amour de Dieu. C'est seulement avant l'âge de 6 ans que les enfants sont capables de vivre complètement cette joie. Il est important de le réaliser. Si nous pouvons nous réjouir de la présence de Dieu dans nos vies, alors notre foi est établie sur de solides fondations. Peut-être que c'est seulement lorsque nous nous réjouissons de l'amour de Dieu, que nous nous réjouissons de sa présence dans nos vies, que nous avons une foi vitale, comme Abraham, quelque chose de profondément enraciné dans nos vies. Si nous ne sommes pas capables de nous réjouir de la présence de Dieu, alors la vie religieuse devient un effort; s'il n'y a que cela, cela veut dire qu'il manque quelque chose dans notre vie spirituelle.
La naissance de la personne vient avec la joie que procure l'Amour de Dieu. Si les enfants sont accompagnés pour se réjouir de Dieu, ils ont vraiment une fondation solide pour leur vie religieuse.
  
LA CAPACITÉ DE PRIÈRE
Les enfants ont une énorme capacité de prière sur laquelle nous reviendrons par la suite. Il suffit de souligner ici sa beauté. C'est principalement une prière de louange et d'action de grâce. En les accompagnant dans cette direction, nous pouvons leur permettre d'exprimer par cette forme de prière leur intense vie intérieure.

LA CAPACITÉ D'AMOUR 
Avant l'âge de 6 ans, l'enfant est immergé dans la vie, ce qui inclue la relation avec Dieu. Après 6 ans ce n'est plus la même chose, ils ne sentent plus aussi libre qu'auparavant.
Nous savons combien la psychologie moderne souligne l'importance de l'amour dans tous les aspects de la vie humaine. L'amour est d'une manière semblable le fondement de la vie religieuse. Les jeunes enfants tombent vraiment amoureux de Dieu. Cela vient de la profondeur de leur âme. Bien sur, cela peut arriver à chacun d'entre nous à tout moment de notre vie. Mais avant l'âge de 6 ans, l'enfant tombe amoureux d'une façon quasi naturelle. Si nous commençons la catéchèse avant l'âge de 6 ans, nous permettons à l'enfant de développer une vie spirituelle établie sur la relation d'amour qu'il a avec Dieu.

UNE RADICALE SIMPLICITÉ 
Les jeunes enfants, vont à la racine des choses, notamment pour répondre à leurs besoins spirituels. Ils ne se satisfont que de l'essentiel, de ce qui fait le cœur des choses. Ils sont libres du superflue que nous accumulons souvent dans nos vies.
Les enfants peuvent nous aider à nous libérer de toutes ces complications intérieures pour rejoindre le niveau de simplicité qu'ils attendent de nous. Sur ce point, les enfants sont nos guides. Quand nous sommes fidèles à l'essentiel et que nous échappons aux choses de seconde importance, les enfants nous suivent avec joie et enthousiasme.
Les enfants nous aident à devenir simples et essentiels. Vivre l'expérience religieuse avec de jeunes enfants peut nous être d'un grand profit.

LE BESOIN DE RELATION
 Le besoin le plus profond de l'enfant est la relation. Nous savons que nous grandissons et nous sommes formés à travers les relations. Mais nous savons aussi qu'il existe différents degrés par lesquels les relations contribuent à notre développement personnel et à une intégration harmonieuse. Je pense qu'il est possible de dire que Dieu est le Partenaire nécessaire qui répond le plus pleinement au besoin de développement de l'enfant. La constante manifestation de joie que les enfants montrent dans leur relation à Dieu m'incline à penser que l'image de Dieu, qui se trouve en chacun d'entre nous comme nous le rapporte la Genèse, est reflétée avec une transparence spécifique chez eux.
Il y a un rapport spécial entre les petits enfants et Dieu. Pourquoi leur relation avec Dieu est-elle si spontanée et si joyeuse? Parce que dans leur relation avec Dieu, les enfants trouvent ce qu'il y a de plus précieux pour eux: la capacité d'amour.
La relation avec Dieu est principalement une expérience d'amour, d'amour sans limite. Dans cette relation, il y a une rencontre entre Dieu qui est Amour et l'enfant qui est si riche d'amour. Différents dans leur capacité mais semblables quant à la qualité, ils se rencontrent réellement l'un et l'autre. Dans cette relation, l'enfant trouve un partenaire sans limite qui répond à ses besoins les plus profonds. L'enfant se trouve alors en harmonie avec le cosmos.

UNE NOURRITURE POUR LA FAIM DE L'ENFANT
Voilà quelques uns des thèmes bibliques qui donnent à l'enfant la nourriture dont il a besoin. Il est important de préciser que nous avons choisi ces thèmes car ils répondent d'une façon particulière aux besoins de l'enfant. En les observant, les enfants nous ont mené au cœur du message chrétien, les thèmes fondamentaux qui expriment la véritable essence du Réel. 
Ce que nous offrons aux jeunes enfants peut être synthétisé en deux points:
  •   Il y a Quelqu'un qui nous connaît et "qui nous appelle par notre nom" (Le Bon Berger)
  • Il nous donne la vie et nous illumine (Lumière du Christ)
 Nous nous centrons alors sur le mystère de la Vie et de son origine:
  • Les paraboles du Royaume de Dieu
  • Les paraboles de la graine de moutarde et de la perle qui nous aide à méditer sur ce pouvoir qui est en nous mais qui ne vient pas de nous, et sur la force de la Vie dans laquelle nous sommes immergés, qui grandit du moins vers le plus.
Ce sont les points pivots autour desquels tournent toute la proclamation du message chrétien que nous annonçons aux enfants. Cela satisfait leur faim; ils les reçoivent avec joie et sérénité tout en nourrissant leur méditation. L'expérience montre que la proclamation du message chrétien nous donne les moyens d'introduire les petits enfants aux plus profonds niveaux de la Réalité". 

lundi 8 août 2011

L'esprit de la catéchèse du Bon Berger d'après Sofia Cavalletti

Sofia Cavalletti résume en quelques points les lignes fortes d'une pédagogie religieuse autant originale que traditionnelle. Basée principalement sur la Liturgie et la Bible, cette approche laisse aux enfants la Joie de la découverte du Royaume de Dieu. L'adulte, là encore, s'efface devant la puissance du Message révélé...

Source: "The Religious Potential of the Child 6 to 12 years old" from Sofia Cavalletti (Appendix I, The Spirit of the Catechesis: 32 points of Reflection), les points sont en partie résumés et tous n'y figurent pas

1) L'enfant, particulièrement sa vie spirituelle est le centre d'intérêt et l'engagement de la catéchèse du Bon Berger:
  • Le catéchiste observe et étudie les besoins vitaux de l'enfant selon les stades de son développement
  • Le catéchiste vit avec l'enfant une expérience religieuse partagée selon l'enseignement de l’Évangile: "Si vous ne devenez pas comme des petits enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume de Dieu" (Matthieu, 18,3)
  • Le catéchiste offre les conditions nécessaires pour permettre l'expérience de cette vie spirituelle 
 2) Avec ce but en tête, le catéchiste embrasse l'anthropologie de Maria Montessori et notamment l'attitude de l'adulte à l'égard de l'enfant. Il prépare un environnement appelé Atrium pour aider au développement de la vie spirituelle. 

3) L'atrium est une communauté dans laquelle enfants et adultes vivent ensemble une expérience religieuse qui facilite leur participation à une plus large communauté (familiale, ecclésiale). 
  • L'atrium est un lieu de prière dans lequel le travail et l'étude deviennent spontanément méditation, contemplation et prière.
  • L'atrium est un lieu dans lequel le seul Enseignant est le Christ. Les enfants et les adultes se placent eux-mêmes dans une position d'écoute de sa Parole et cherchent à pénétrer les mystères de la Divine Liturgie
4) La transmission du message chrétien se fait selon les principes suivant:

  • Le catéchiste n'est pas un professeur se souvenant que le seul Enseigneur est le Christ Lui-même.
  • Le catéchiste renonce à toute forme de contrôle (comme des tests, examens, etc) dans un esprit de pauvreté participant à une expérience dont les fruits ne lui appartiennent pas

5) Les thèmes présentés dans l'atrium sont ceux pour lesquels les enfants ont répondu avec le plus de profondeur et de joie. Ces thèmes sont issus de la Bible et de la Divine Liturgie (prières et sacrements) comme source fondamentale de toute vie chrétienne particulièrement appropriée pour  illuminer et nourrir les besoins religieux les plus vitaux de l'enfant.

6) La Parole de Dieu est proclamée de la manière la plus objective et la plus simple possible de sorte que les mots de l'adulte n'empêchent pas la communication entre Dieu qui parle et l'enfant qui écoute. Le seul but des mots de l'adulte est de discrètement servir l'écoute de la Parole de Dieu en accord avec le message même de Jésus: "Mon enseignement n'est pas de moi mais de celui qui m'a envoyé"

8) L'atrium hebdomadaire devrait durer au moins deux heures pendant lesquelles seulement une petite part est dédiée à la présentation et la majeure partie du temps réservée au travail de l'enfant.

9) En harmonie avec l'Eglise universelle, la vie de l'atrium suit l'année liturgique. Par conséquent les temps majeurs sont ceux de Noël, Pâques et la Pentecôte.

10) A l'annonce annuelle des premières communion; l'enfant  répond de lui-même au désir du Sacrement avec l'aide et le discernement de la famille, du catéchiste et du prêtre.

11) La première communion est précédée d'une période de préparation consistant en une retraite spécifique en dehors de l'atrium

12) La retraite de première communion dure 4 jours (du matin au soir). Elle inclut la messe quotidienne, des opportunités de travail au calme mais sans nouvelle présentation, et elle dure jusqu'au dimanche pour que les enfants ne soient distrait de ce qu'ils vivent.

13) Un matériel est mis à disposition des enfants. Le travail personnel avec le matériel favorise leur méditation et l'absorption des thèmes proposés.

14) Le matériel doit être attractif et sobre et doit correspondre précisément aux thèmes présentés. Il doit être simple, essentiel et pauvre pour permettre aux richesses contenu dans le thème de se manifester.

15) les catéchistes travaillent ensemble dans un esprit d'unité et d'harmonie en accord avec le plan de Dieu pour la communion dans l'histoire du du salut en lien étroit avec les paraboles du Bon Berger et de la Vraie Vigne. Ils offrent généralement leur talent et leur expérience pour le bien de tous.

16) L'attitude de l'adulte doit être marquée par l'humilité devant les capacités de l'enfant, en établissant un rapport juste avec lui, c'est à dire en respectant sa personnalité.

17) Les raisons pour lesquels le catéchiste doit faire le matériel par lui-même sont les suivantes:
  • absorber le contenu plus profondément
  • combattre un consumérisme excessif
  • s'adapter au rythme de l'enfant ainsi qu'au travail de l'Esprit-Saint
  • essayer d'unifier la main le cœur et l'esprit

18) La catéchèse du Bon Berger cherche aussi à aider les adultes à reconnaître les richesses cachées de l'enfant, particulièrement celles correspondant à sa santé spirituelle, de sorte qu'ils puissent apprendre d'eux et les servir au mieux.

19) La catéchèse du Bon Berger honore tout spécialement les vertus de l'enfance et cherche à favoriser le développement de la conscience orientée à la construction de l'histoire du salut dans un esprit de paix et de justice.

20) La catéchèse du Bon Berger possède un caractère expérimental. Il est ouvert à des approfondissements liés au Mystère infini de Dieu et à son alliance cosmique avec l'ensemble des créatures (La création aspire de toutes ses forces à voir la révélation des fils de Dieu » Rom. 8 : 19)

dimanche 7 août 2011

L'éducation religeuse d'un enfant entre 0 et 3 ans

"L'éducation religieuse doit être fondée sur la psychologie de l'enfant."

Maria Montessori a fait œuvre scientifique en matière de religion; elle a donné à l'éducation religieuse des  fondements qui correspondent aux aspirations psychiques de l'enfant.  Comme pour toute autre aptitude fondamentale, Maria Montessori a observé que le développement spirituel de l'enfant répond aussi à des périodes sensibles. 
La première période sensible religieuse de l'enfant se situe entre 0 et 3 ans. Elle va de paire avec la période de l'esprit absorbant où l'enfant s'imprègne de façon phénoménale de son environnement. Elle est donc tout simplement essentielle. Sa méconnaissance pourrait permettre de comprendre pourquoi chez beaucoup d'adultes la religion se trouve réduite à une pure affaire de morale...quand elle n'est pas reléguée au "grenier" pour le peu de "valeur ajoutée" qu'elle semble apporter...
Dans ses conférences, Maria Montessori a développé les grandes lignes de l'éducation religieuse. Il ne sera pas ici question de matériel. Nous reviendrons sur cette question au fil du développement des enfants.

RELIGION ET ESPRIT ABSORBANT
Nous savons tous qu'un environnement bien préparé est un des points les plus importants de cette pédagogie. Pour l'instruction religieuse, il en est de même. L'environnement n'est pas ici réductible au matériel. C'est avant toute chose les lieux où se situe l'action religieuse elle-même.
Nous montrons à nos enfants de belles images ou de beaux tableaux afin de les sensibiliser au beau. Nous faisons écouter à nos enfants différents styles de musique pour qu'ils en aient plus tard le goût. Pour éduquer le sens religieux, nous devrions faire de même A une différence près précise Maria Montessori: en faisant attention à ce que la religion ne soit jamais  une simple "matière" parmi d'autres.
Elle précise ainsi : "Les écoles qui incluent la matière religieuse, traitent la religion comme une matière entre autres. Cela est une conception fausse. Je parle contre cette erreur, car la religion est plus que cela, elle est quelque chose de beaucoup plus grande et elle est totalement différente. Elle n'est pas une matière!" (cf son discours sur l'éducation religieuse à Londres en 1946)
"Il faut réfléchir à ce que la religion est un sentiment universel qui existe dans chaque être humain maintenant et depuis toujours. Ce n'est pas quelque chose qu'on doit amener à l'enfant.(...) La religion est quelque chose qui est à l'intérieur de chaque âme. (...)
Si la religion nous manque, il nous manque quelque chose de fondamental pour le développement de l'être humain. "

Alors comment faire pour que l'enfant puisse "spontanément" développer son axe spirituel? La question se pose d'autant plus aujourd'hui que la religion relève le plus souvent de la sphère privée. L'enfant est donc de plus en plus rarement au contact des grandes manifestations religieuses. Et pourtant son aspiration est là...Elle attend cette rencontre avec le sacré...
"C'est un sentiment qui est là et qui se développe. C'est quelque chose de vivant qui doit se développer par l'influence de l'environnement. Nous devons aménager un bon environnement, cela est fondamental."

Déjà, dans l'environnement proche, donc à la maison, l'enfant doit pouvoir côtoyer des images "saintes", des statues, un lieu de prière, des objets religieux. Quand l'enfant voit ces objets autour de lui, ils doivent avoir une importance, une beauté particulière qui attire le regard de l'enfant. C'est l'activité caractéristique propre à l'esprit absorbant qui lui permet de développer très tôt une véritable dynamique spirituelle.
"Si nous réfléchissons, nous pouvons reconnaître que l'éducation religieuse est particulièrement importante à l'âge où l'enfant absorbe tout de son environnement. Cette façon d'absorber est un cadeau de la nature. Pendant ce temps, l'enfant doit trouver la nourriture pour son développement spirituel. C'est la période de 0 à 6 ans. (...) Le sentiment religieux est crée pendant cette période et ne sera plus tard que développé. C'est pour cela que cela nous amène à déduire que nous devons enseigner la religion aux enfants tout petits. Je pense que nous devons enseigner la religion dès la naissance."
Voilà une interpellation qui ne manquera pas de surprendre. Mais, là encore, le principe posé par Maria Montessori trouve son origine au cœur de ses expériences auprès des enfants.
C'est pour cette raison qu'elle recommande fortement aux parents d'emmener l'enfant à l'église de sorte qu'il participe dès sa naissance aux cérémonies religieuses. Ses sens tout en éveil s'imprègneront profondément des rites qui d'abord le berceront avant d'être "captés" par son regard attentif.


L'ENFANT: CET EMBRYON SPIRITUEL
Maria Montessori défend la réalité spirituelle que représente l'enfant. Elle a su discerner en lui ce sens de l'élévation qui porte tout homme à dépasser la stricte réalité matérielle.
"Il y a, comme vous l'avez vu, dans l'enfant une attirance qui est bien plus haute que la vie matérielle. Cette tendance d'élévation existe toujours. Il est naturel pour l'esprit de continuer dans l'abstraction. L'esprit aussi a tendance a s'élever et l'être humain doit être compris de cette façon: il ne reste pas sur le même niveau mais aspire vers le haut. Nous avons pu observer dans nos écoles comme l'enfant est intéressé par "la vie dans l'église". Les lumières par exemple, les bruits bas, le silence, la façon dont les gens bougent... tout cela intéresse énormément les petits enfants."
Et Maria Montessori poursuit plus loin: " Nous voyons donc, qu'il y a une période sensible chez l'enfant qui lui permet de saisir la religion de façon sensorielle
A cet âge, l'enfant ne possède pas qu'une grande finesse de sensibilité, mais aussi l'aptitude de comprendre beaucoup plus profondément que ce que nous apercevons nous-même. Et parmi les sensibilités que l'enfant possède à cet âge, est le besoin de se sentir protégé, et le sentiment d'être certain qu'il est protégé. C'est pour cela qu'il est nécessaire que la mère qui donne l'éducation religieuse à un enfant si jeune, lui laisse sentir qu'il y a une protection surnaturelle, qu'il y a une protection très puissante.
Un enfant de cet âge-là est très intuitif et la mère parle de même avec une facilité des anges-gardiens qui protègent l'enfant, de Dieu prend part à cette protection. La mère apprend à l'enfant les premières prières.
Il est, comme nous l'expliquons avec notre pédagogie, fondamental, de donner à l'enfant ce dont il a besoin pour son auto-développement pour le libérer ensuite pour l'autonomie. Dans toutes les situations nous devons garder à l'esprit la phrase "Aide-moi à faire seul!". C'est pour cela, il faut donner les aides d'une façon très subtile. Nous ne devons pas penser qu'il est difficile d'instruire  l'enfant du sens religieux. Au contraire, nous devons être conscient que l'enfant a une sensibilité extraordinaire et nous devons faire attention et procéder très lentement quand nous proposons à l'enfant l'instruction religieuse."

Selon Maria Montessori, l'éducation religieuse à cet âge se fait également par les histoires. Des histoires simples. Des histoires bien choisies. Le point central devrait être la Nativité. Les livres pour enfants qui parlent de la naissance de Jésus doivent être simple, avec des belles illustrations et beaucoup de vie...Le mystère de Noël est donc naturellement le cœur de l'éveil religieux des plus petits. C'est au contact de la Crèche qu'ils peuvent déjà sentir  la grâce de cette grande vérité développée par les Pères de l'Eglise: "Dieu s'est fait homme, pour que l'homme soit fait Dieu". Dans l'Eglise le temps liturgique qui entoure Noël dure près de 3 mois (de l'Avent à la fête de la présentation au temple le 2 février). Pendant le temps d'un trimestre nous avons l'occasion de permettre à l'enfant d'absorber le plus beau des mystères. Si nous utilisons vraiment ce temps avec l'enfant entre ses 3ans et ses 6 ans, nous lui aurons offert rien de moins qu'un an de "médiation" autour de la naissance de Jésus. Qui a conscience de ce qu'est l'esprit absorbant pourra facilement imaginer la sensibilité religieuse que l'enfant aura déjà développé...

MORALE ET RELIGION
 L'une des caractéristiques de la pédagogie Montessori en matière religieuse est l'absence d'implication morale au commencement. Puisque l'enfant ne connaît sa période sensible "morale" qu'entre 6 et 12 ans, une initiation religieuse avant cette âge évitera toute collision entre spiritualité et morale. Il ne s'agit pas d'évacuer la question morale de la sphère religieuse. Il s'agit de reconnaître qu'elle ne se pose pas entre 0 et 6 ans et qu'ainsi l'enfant ne pourra pas vivre une réduction de la religion à la morale. C'est un point très important, car la religion évite ainsi de devenir un enjeu de régulation purement moral. La nature humaine est bien faite. En donnant à l'enfant une nourriture spirituelle au plus tôt, on lui permet de ne pas vivre la religion comme une simple affaire de morale. On accompagne le développement de sa conscience. C'est là le point fondamental. Car, au fonds, la religion n'est rien s'il elle n'est pas l'œuvre d'une conscience qui s'affine jour après jour. L'éducation par exemple est une affaire de conscience. Je peux avoir en tête tous les principes éducatifs que je veux, si je ne suis pas conscient des étapes qui constituent le développement psychique de l'enfant, je serai en difficulté pour l'accompagner. L'éducation religieuse doit se comprendre comme une prise  de conscience progressive de la réalité dans laquelle nous vivons et de l'Information Essentielle qui l'anime. Dans cette logique, on aura compris  qu'ici conscience ne rime pas avec subjectivité mais avec la plus grande objectivité qui soit. Les questions morales ne sont pas évacuées. Mais, celles-ci ne pourront jamais en épuiser le contenu. Surtout, lorsqu'il s'agit de saisir et de vivre ce que la première lettre de la Bible récapitule: l'Amour...
 Pour ne pas perturber le développement des enfants en matière spirituelle, Maria Montessori insiste sur la grande vigilance qui doit être celle de l'adulte. Il nous arrive souvent d'affirmer devant les enfants des principes que nous contournons dès que nous pouvons. "Les enfants reçoivent avec confiance et sérieux tout ce que nous leur disons". Nos incohérences sont pour eux de véritables ondes de choc. Mais, ils sont aussi capables de comprendre nos faiblesses à condition que nous sachions les reconnaître...tout simplement.

L'ENFANT EST "CAPABLE" DE DIEU
Maria Montessori a souvent raconté l'histoire d'une petite fille à qui les parents avaient appris à prier pour les autres. On priait ainsi pour la cuisinière, les frères et soeurs, les parents, etc. Un jour cette petite fille voit sa maman et lui dit: "Je veux prier pour tout le monde". La prière des enfants est souvent plus vaste que celle des adultes. Elles ne possèdent pas les frontières que l'adulte mettra par la suite comme pour se protéger d'éventuelles "invasions" spirituelles...
Et Maria Montessori de s'insurger contre notre vision trop étroite: "Ne rétrécissons pas la nature de l'enfant. Donnons lui tout et pas seulement les petites choses, la nourriture et les besoins matériels. Si nous lui donnions l'idée de Dieu et qu'il ne parvenait pas à comprendre, qu'est- ce que cela aurait pour conséquence? Il ne s'agit pas d'une connaissance dangereuse. Ayons donc le courage de donner beaucoup aux enfants. Ainsi seront-ils heureux et reconnaissants. Apprenons aux enfants à prier pour tous, ainsi auront-ils de grandes pensées au fonds de leur âme. Donnons leur la religion comme une révélation. Si nous leur donnons la religion comme quelque chose de quelconque, alors quelque chose aura été abîmé dès le commencement de leur vie. (...) L'âme des enfants se nourrit de grandes choses. Ils ont faim de notre aide. Ils attendent notre aide. A quoi sert l'éducation si on ne leur donne pas cela? Les mots n'aident pas, le monde spirituel doit être ouvert aux enfants".

A suivre...nous présenterons bientôt le programme catéchétique du Bon Berger (catéchisme "montessorien") pour les enfants de 3 à 6ans.

Maria Montessori et l'éducation religieuse

L'œuvre éducative de Maria Montessori est répandue dans le monde au travers des quelques milliers d'écoles qui existent ainsi que par la diffusion de ses ouvrages. Cependant, l'un de ses apports majeurs semble être resté dans l'ombre, alors qu'il coïncide parfaitement avec une double réforme inspirée par le pape saint Pie X, au sein de l'Eglise, au début du siècle dernier: la communion pour les petits enfants et le renouvellement de l'esprit liturgique.

Or, le travail scientifique que Maria Montessori mit au service du développement de l'enfance a connu une extension décisive au niveau de l'éducation religieuse à travers notamment une explication pédagogique de la liturgie et une assimilation biblique ancrée sur la figure du Bon Pasteur. Saint Pie X, bien connu pour sa sensibilité au monde de l'enfance, a réagi positivement aux travaux de la pédagogue en saluant cette "œuvre de régénération de l'enfance". L'année suivante, lors de la fête de Pâques, il envoie ce message de bénédiction à des religieuses tenant une maison de l'enfance: " Aux chers enfants de cette maison Montessori, acceptant de tout cœur leurs bons vœux pour la fête de Pâques, dans l'espérance qu'ils continuent à prospérer. Que leurs professeurs et les Franciscaines missionnaires de Marie reçoivent de tout cœur notre bénédiction apostolique sous la bienveillance et les auspices de la grâce divine" (donné au Vatican, 1911 par le pape Pie X).

Non seulement les papes ne sont pas restés indifférents à cette révolution pédagogique mais ils l'ont par ailleurs appuyée comme le montre le discours du pape Paul VI le 17 septembre 1970 lors du congrès international consacré à Maria Montessori. Source ici

Maria Montessori, partageant l'intuition fondamentale de saint Pie X sur la vie spirituelle des plus petits, a œuvré jusqu'à la fin de sa vie pour défendre leurs capacités à saisir magnifiquement les réalités les plus hautes. Voici l'un de ses derniers messages sur le sujet visant à encourager des enseignants catholiques rassemblés à Londres: " Jamais comme à ce moment, la Foi chrétienne n'a nécessité l'effort sincère de ceux qui la professent. Je voudrais demander à chacun d'entre vous qui êtes rassemblés à ce congrès de considérer la grande aide que les enfants peuvent apporter à la défense de la Foi. Les enfants viennent à nous comme une rosée d'âmes, comme une richesse et une promesse qui peut toujours s'accomplir mais qui nécessite l'aide de nos efforts pour cela.
Ne considérez pas l'enfant comme un être faible. Il est l'artisan de la personnalité humaine. Que cette personnalité devienne chrétienne ou non dépend de l'environnement qui l'entoure et de ceux qui sont les guides de sa formation religieuse.
Ne pensez pas que, parce que l'enfant ne peut comprendre de la même façon que les adultes, il lui est moins facile de participer aux activités religieuses. La Foi la plus étonnante et la plus profonde se trouve généralement chez les gens simples. Prenez par exemple ces femmes qui emmènent leurs enfants à l'Eglise en les allaitant: l'esprit inconscient de l'enfant absorbe cette ambiance divine tandis que la conscience raisonnante de l'adulte reste simplement humaine. Vous qui vous réjouissez de ce don d'appartenir à la Foi catholique, vous devez reconnaître la grande responsabilité qui est la vôtre pour les générations futures car vous avez renoncé au monde pour amener le monde à Dieu. Prenez les enfants comme une aide dans votre tâche avec foi et humilité. Ayez soin que leur regard limpide de ne soit pas abîmé. Protégez en eux ces énergies naturelles inscrites dans leur âme par la main guidante de Dieu. Puisse Dieu être avec vous pendant ce congrès et vous aidez dans vos conclusions et vos décisions".

Pour accompagner ce besoin de régénération spirituelle au sein de l'Eglise, Maria Montessori a appliqué sa pédagogie éducative à la formation religieuse en développant le premier atrium en 1915 à Barcelone. La fonction de ce lieu catéchétique, inspiré des écoles pour l'enfance, est d'initier notamment aux mystères liturgiques à travers une découverte concrète des objets du culte et des prières de la messe. Elle écrivit par ailleurs en 1933 un ouvrage intitulé "La Messe expliquée aux enfants" comme support pédagogique de son action de formation religieuse. L'un des points majeurs de son apport tient certainement à la place centrale qu'elle donne à la Liturgie dans l'apprentissage religieux. Cet aspect de son œuvre, malheureusement assez inconnu sur notre continent, pourrait aujourd'hui encore contribuer à développer, parmi les nouvelles générations, ce sens du sacré que l'Eglise cherche à remettre au cœur de la vie liturgique.

Dans son introduction à son ouvrage sur la messe, elle rappelle quel regard porte Jésus sur les plus petits: "Notre Seigneur percevait dans les enfants quelque chose que les adultes ne percevaient pas il y a deux cents ans et qu'ils ne perçoivent toujours pas. Cependant, les Évangiles affirment pleinement que beaucoup de mystères doivent être révélés aux plus petits. L'enseignement du Christ sur les enfants touche le cœur de leur éducation. Ils ont une personnalité différente de la nôtre et certaines impulsions spirituelles sont vivantes en eux qui sont souvent atrophiées chez l'individu devenu adulte. Nous devrions toujours gardé cela à l'esprit pour ne pas seulement leur offrir le plus noble des enseignements, mais leur offrir dans la forme qui leur convient. Nous sommes tenus d'aider les enfants en leur enseignant ce qu'ils ont besoin de savoir sur la religion, mais nous ne devrions pas oublié que l'enfant peut nous aider aussi, car il nous montre le chemin vers le royaume de Dieu".

Nous reviendrons souvent sur cette question de l'éducation religieuse notamment sous son aspect liturgique. Il est probable que le renouveau spirituel à venir passe par une nouvelle assimilation des richesses liturgiques par les plus petits d'entre nous. Le silence et la prière se découvrent au contact de la Liturgie. Elle constitue donc un enjeu éducatif majeur pour le 21 ème siècle. Leur faire découvrir, c'est donner aux générations suivantes des hommes de paix.

L'Atrium et le lieu de prière

L’atrium était autrefois la pièce principale de la maison romaine. Il est devenu ensuite l’enceinte extérieure de la basilique chrétienne réservée aux catéchumènes (personnes non encore baptisées ne pouvant ainsi participer aux Saints Mystères).



Ce terme architectural a été par ailleurs repris par Maria Montessori pour servir de concept à l’élaboration du « milieu favorable » à l’éducation religieuse. Afin de pouvoir participer au Culte de l’Eglise, il convient d'abord d’en apprendre tout le cérémonial pour favoriser une participation active lors de son déploiement au fil de l'année liturgique.

Réflexions bibliques sur le lieu de prière

Toute la Liturgie de l’Eglise, véritable pédagogie d’initiation au dialogue avec Dieu, trouve son origine dans les textes fondamentaux de l’Exode. A y regarder de près, il semble que la sortie d’Egypte ait un but beaucoup plus important que celui d’atteindre la Terre promise géographique. Dans le conflit qui l’oppose à Moïse, Pharaon reçoit l’ordre suivant : « Laisse partir mon peuple, qu’il me rendre un culte dans le désert » (Ex, 7,16). On voit bien dans ce passage que l’objectif principal de l’Exode est l’adoration dans la forme liturgique que Dieu proposera ensuite à son Peuple. La Bible récapitule ainsi toute une pédagogie divine qui vise à enseigner à l’homme les chemins de sa relation à Dieu.

Avant de se révéler à Moïse, Dieu prépare son élu en lui permettant de développer progressivement une prise de conscience qui le rende apte au dialogue avec Lui. Il est intéressant de noter que la Liturgie de l’Eglise, dans sa structure fondamentale, n’a fait que se calquer sur cette pédagogie divine. C’est ce que rappelle Hélène Lubienska, disciple de Maria Montessori et spécialiste de la pédagogie religieuse, dans son ouvrage «la Liturgie du Geste».

Reprenons le texte et relevons-en avec elle les traits essentiels (Ex, 3, 1-6) :
  1. Dieu ne se laisse connaître que dans un lieu propice au recueillement (en l’occurrence le désert). La Liturgie s’attache toujours d’abord à aménager ce lieu en jouant notamment sur la tension obscurité/lumière
  2. L’Ange de Yahvé apparaît à Moïse dans une flamme. Le Pédagogue divin éveille la conscience de son serviteur en interpellant ses sens qui sont les fenêtres de l’âme comme le rappelle saint Thomas. La Liturgie s’appuie sur tous les stimulants sensoriels possibles pour éveiller la conscience des fidèles : regard, ouïe, odorat sont marqués par des impressions dont la nature symbolique est propre à élever l’âme... du visible vers l’Invisible…
  3. Moïse dit ensuite : « je veux me retourner pour voir cette vision ». La conscience ayant été éveillée, le fidèle, tout comme Moïse, se détourne du monde éphémère et se dispose à entendre l’appel de Dieu.
  4. Dieu appel Moïse qui répond immédiatement « Me voici ». Ayant été bien préparé la conscience acquiesce généreusement à cet appel vibrant.
  5. Dieu ajoute ensuite : « Ne t’approche pas d’ici, ôte les sandales de tes pieds ». Dieu ne se laisse saisir que par le truchement de rites qui empoignent l’homme corps, âme et esprit pour l’ouvrir progressivement aux profondeurs de sa Miséricorde. Les rites liturgiques (décrits notamment en rouge dans le Missel) enseignent à l’homme l’attitude physico-psychique qui peut permettre à son esprit de s’ouvrir à la Présence de Dieu.
  6. Dieu conclut cette séquence en se révélant : « Je suis le Dieu de ton Père, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ». On voit comment les rites que Dieu propose à l’homme (« ôte tes sandales »), le conduise à la connaissance intime de sa Présence.
On notera donc comment ces éléments de pédagogie divine structurent la vie Liturgique de l’Eglise et combien donc cette Liturgie est d’essence biblique.

Pour favoriser le développement spirituel des enfants et leur donner l’occasion de rencontrer Dieu, il convient de leur créer ce milieu favorable en s’inspirant de la structure biblique décrite précédemment. Chaque parent peut en concevoir le plan en respectant les éléments de la pédagogie divine : un lieu propice au recueillement qui provoque un « étonnement » sensoriel et qui exige une tenue faite de vigilance. Pour que les plus petits puissent s’approprier ce lieu de prière, il est bon d’y disposer quelques belles images ou statuettes qu’ils pourront manipuler à leur guise. Ce lieu prendra de préférence une ressemblance avec l’Eglise et notamment son point focal qu’est l’autel.

Petite application pratique de la mise en place d'un atrium

Nous avons réalisé le nôtre de la façon suivante : un petit autel couvert d’une nappe qui change suivant le temps liturgique, un grand tableau du Bon Pasteur, une petite croix en émail, un berger et un mouton, deux cierges et un petit palmier. Chaque objet à une valeur symbolique pour orienter l’esprit et lui ouvrir un chemin de contemplation.



Le bon Pasteur : pour les Pères de l’Eglise, la parabole de la brebis perdue est certainement celle qui évoque le mieux cet Amour de Dieu qui guide et qui protège. Le bon Pasteur porte chacun d’entre nous. L’enfant en regardant cette image découvre déjà la personnalité de Celui qui sera le Chemin de sa vie spirituelle. Petit à petit, il comprendra que le Christ Bon Berger est cet Homme-Dieu qui souhaite emmener chaque être humain pour le ramener à la maison du Père en qui réside le principe de toute chose.


La croix : elle est à la fois le résumé de la foi chrétienne et son signe fondamental. Elle récapitule toute l’histoire sainte et celle du cosmos en étant cet Arbre de vie dont la Miséricorde « ouvrit les bras et embrassa le cercle de la terre » (Grégoire de Nysse). Elle est le signe par lequel nous appelons sur nous toutes les bénédictions de Dieu.

Le Berger : figure religieuse de la Bible, il représente l’homme non sédentaire, celui qui est capable de quitter sa terre comme Abraham pour partir à la rencontre de Dieu. Il symbolise aussi l’homme qui veille, le sage qui sait voir car il reste éveillé.


symbole de l’ascension spirituelle, la bougie allumée nous rappelle notre besoin de « verticalité ». Deux bougies éclairent ce lieu de retraite, car chaque nombre dans la Bible renvoie à une lettre de l’alphabet hébraïque. Chacune comporte une signification spirituelle. Le nombre "deux" renvoie à la lettre «Beit». La signification archaïque de cette lettre est la maison (Bethléem, la maison du pain), ce lieu qui réunit l’amour de l’homme et de la femme, impliquant l’intimité et l’ouverture vers l’infini. C’est la première lettre de la Bible qui en résume toute la portée en rappelant le prologue de l’Evangile de saint Jean : Dans le principe est l’Amour…

Le palmier : « les justes croissent comme le palmier » nous enseigne le psaume 92 de la Bible. Le palmier ne doit sa survie qu’à la présence d’une nappe d’eau dans le désert. Cet arbre vigoureux et élancé offre au voyageur toutes les vertus nutritives dont il a besoin pour poursuivre sa marche. Ses caractéristiques en font l’un des symboles majeurs de la vie chrétienne. Ses profondes racines font sa force et lui permettent de conserver ses palmes toujours vertes malgré la chaleur. Son écorce extérieure est rude mais son cœur est tendre. C’est un arbre protecteur dont la haute stature permet la floraison d’autres arbres et cultures (orangers, abricotiers oliviers, etc) Par sa présence visible dans le désert, il indique au voyageur la présence de l’eau qui désaltère.

Ce petit Atrium ressemble donc à un petit guide spirituel vivant. Chaque symbole est un point d’appui. Pour l’adulte le geste traduit un état d’âme. Pour l’enfant, chaque geste lui enseigne une disposition spirituelle qu’il ne pourrait assimiler par des paroles.

Quelques petits rites viennent rythmer ce moment de calme. Chacun prend son coussin pour s’agenouiller. La lumière paisible des cierges invite à retrouver l’essentiel. Quelques chants, quelques paroles d’actions de grâce, un baiser de la croix, et du silence avant qu’un petit souffle vienne endormir la flamme invitant chacun à profiter du mystère de la nuit.

Tradition, pédagogie religieuse, et narration sacrée

Les textes sacrés rassemblés dans cette grande bibliothèque hébraïque qu’est la Bible rapportent l’intervention de Dieu dans l’histoire des hommes. Ces textes sacrés contiennent donc l’information « génétique » destinée à la formation de l’homme nouveau et du peuple de Dieu.
Cette information se transmet d’âge en âge à travers le récit qu’on en fait dans les familles et par la participation liturgique qui en manifeste la vitalité permanente. La famille comme lieu de transmission de la vie est concernée au premier chef par cette actualisation de la Tradition dont les textes bibliques sont comme le génome pour employer une image du langage génétique.
Dans les cultures plus anciennes, le récit était le fondement naturel de toute la pédagogie de la transmission. Ce savoir qui faisait la richesse des échanges familiaux s’est un peu perdu au fil des évolutions culturelles. Il est pourtant essentiel à toute transmission vivante. Son abandon fait courir le risque de transformer l’expérience de Dieu transmise à travers ces récits en une simple instruction morale. La « mémoire » des interventions divines faites à travers l’histoire n’a rien pourtant rien d’une simple leçon. Elle est l’expérience, génération après génération, d’une connaissance vivante de Dieu.

La pédagogie religieuse présentée par l’Atrium du Bon Berger place le « savoir-raconter » au cœur de la vie religieuse familiale. L’écoute de la Parole de Dieu est avant tout une expérience spirituelle qui prend source directement dans les textes sacrés. La « lectio divina » est un peu l’arche d’alliance de toute communauté humaine qui veut porter la présence Dieu dans le monde. Elle est l’expérience commune de toute famille qui reconnaît avant tout la filiation divine. Elle incarne aussi une expérience religieuse qui transcende chaque génération pour l’ouvrir aux manifestations du Royaume.

Dans leur ouvrage commun « Young children and Worship », Sonja M. Stewart et Jérôme Berryman soulignent combien la pédagogie narrative des récits sacrés est approprié pour développer le sens de l’adoration chez les enfants. « Dans l’adoration, à travers le pouvoir de l’Esprit-Saint, Dieu se fait connaître par l’écoute de sa Parole. En entrant dans l’histoire sacrée, nous expérimentons et nous connaissons Dieu. Nous avons dit que ce processus d’entrée dans l’Ecriture implique la mémoire (anamnèse). A travers la mémoire, l’imagination et la recherche de sens, nous n’apportons pas au texte notre seule expérience personnelle mais aussi l’expérience de l’Eglise à travers les âges. Ces histoires, si sacrées pour la communauté, ne sont jamais laissées de côté une fois racontées. Bien au contraire, elles sont redites encore et encore, d’une génération à l’autre, en renouvelant constamment notre connaissance de Dieu, en approfondissant notre foi, et en régénérant notre monde (…). Puisqu’en relation à l’adoration, l’histoire sacrée est le moyen par lequel la communauté rencontre Dieu, la fonction de celui qui la raconte n’est pas l’instruction d’une audience d’étudiants. Le narrateur veut s’effacer devant l’histoire pour que d’autres puissent y rentrer et que chacun puisse expérimenter prier et écouter Dieu. C’est une expérience partagée du sacré qui forme et unifie la communauté chrétienne ».

Poursuivons cette intelligence de la narration biblique avec nos deux auteurs.

La nature du récit biblique

« Le récit biblique utilise une technique particulière qui rend les l’histoire intéressante et signifiante tant pour les enfants que pour les adultes. Les histoires bibliques rapportent que les actions et les descriptions essentielles à l’histoire. L’omission de définitions et de détails inutiles laisse de la place pour le silence à travers lequel l’auditeur expérimente le mystère, l’admiration et l’émerveillement si caractéristiques de l’histoire sacrée. L’utilisation de mots essentiels et de silences signifiants comme l’omission des détails est malheureusement souvent négligée par les narrateurs. Parce qu’ils ne comprennent pas la nature de l’histoire biblique et la fonction de l’anamnèse, ils comblent les silences avec des explications et des définitions se persuadant qu’ils rendent l’histoire plus intelligible. En faisant ainsi ils éliminent toute place pour l’imagination et le travail de l’Esprit-Saint, rendant alors l’histoire difficile à mémoriser et parfois aussi à croire ».

Les récits pour les enfants

« En voulant retrouver le chemin des narrations bibliques, nous avons essayé de découvrir les éléments essentiels de l’histoire et de les raconter sans aucun embellissement. Rester proche du texte aide à éliminer les mots inutiles tandis que l’utilisation du matériel pour raconter l’histoire donne des occasions de silences signifiants. Par exemple, pour la parabole du Bon Berger et de la brebis perdue, nous n’interrompons pas le récit en nommant les brebis lorsque nous les faisons entrer dans la bergerie. Elles sont placées en silence. Souvent, le silence a plus de pouvoir pour attirer et retenir l’attention que les mots ».

Le choix des histoires

« Notre décision de choisir telle ou telle histoire pour les enfants est guidée par la nature des récits bibliques eux-mêmes. Si le principe consistant à raconter l’essentiel et à omettre le superflu est appliqué, cela signifie que nous raconterons les histoires les plus caractéristiques de notre formation comme Peuple de Dieu. Les histoires qui approfondissent et fournissent plus de détails sont racontées plus tard. Par exemple, l’histoire de l’Exode est fondamentale. Son thème majeur c’est la situation d’esclavage du Peule de Dieu et sa libération et que Dieu les a mené à la liberté en leur faisant traverser les eaux. Les enfants n’ont pas besoin de connaître le détail de la naissance de Moïse, comment il a quitté puis est retourné en Egypte, les plaies subies par les égyptiens, pour comprendre l’Exode. Ces détails qui sont un approfondissement seront racontés plus tard. Les récits de l’Ancienne Alliance qui sont fondamentales pour la formation du Peuple de Dieu sont celles qui donnent sens à notre vie : la Création, le déluge, l’Exode, le don de la Loi, l’Arche d’alliance, la terre promise, le Temple et l’exil (on retrouve ici les grands thèmes de la Vigile Pascale). En commençant avec l’Avent nous suivons les thèmes de l’année liturgique en utilisant les récits de la naissance de Jésus, de la visite au Temple, du baptême, de la tentation dans le désert, continuant avec les paraboles qui représentent la proclamation par Jésus du Royaume de Dieu. La mort de Jésus, la résurrection, l’ascension et la venue de l’Esprit-Saint sont racontés pendant le carême, de Pâques et de la Pentecôte. De cette façon, l’histoire unique de la création de Dieu et de la rédemption est présentée de façon essentielle et séquencée (…).
Ces histoires correspondent aussi aux besoins des enfants et s’adressent notamment à leurs craintes. Les enfants ont besoin d’amour, de sécurité, de stabilité pour eux et pour leur environnement. Ils ont aussi besoin de créer du sens et d’ordonner leur vie comme aussi d’affronter leurs peurs. Ces récits répondent à leur crainte d’être abandonnés, d’être seuls, de souffrir et enfin de mourir. Quand ils apprennent à rentrer dans ces histoires pour rencontrer Dieu, ils ont un outil pour vivre et découvrir du sens en tout lieu et en tout temps ».


Parole et Action (le matériel)

« Les jeunes enfants apprennent grâce à leur corps autant qu’avec leur esprit. Le mouvement, la vue, les sons, les odeurs, le goût et le toucher sont autant de canaux de connaissance. Ainsi les récits bibliques doivent être traduits en figures et dans un matériel que les enfants puissent voir et mouvoir leur donnant ainsi une capacité motrice et sensorielle pour absorber l’histoire et répondre à l’invitation qu’elle représente.
Dans la sainte Liturgie, la parole (texte sacré) et le geste (mouvement décrit) par la rubrique ont pour fonction d’unir corps et esprit dans un même acte d’adoration. Sur ce même modèle, les enfants sont aidés à se former des images de l’Ecriture en recevant le récit de façon visuelle et motrice. C’est la raison pour laquelle nous traduisons les récits et les paraboles en un matériel que les enfants peuvent voir et avec lequel ils puissent travailler ».

Bouger les figures

Le même principe consistant à utiliser uniquement l’essentiel s’applique aussi pour le matériel. Les figures sont faites avec le moins de détails possibles, particulièrement les visages, puisque les enfants ont une tendance à se focaliser dessus. Elles sont déplacées avec une économie de mouvement pour éviter toute distraction.
Le mouvement du matériel répond à plusieurs objectifs. D’abord il rend possible l’intelligence visuelle et kinesthésique. L’histoire est expérimentée à travers les mains, les doigts et le corps. Elle permet aussi la représentation mentale. Les images sont fondamentales pour la pensée et le développement des concepts. L’une des tâches de la petite enfance et la formation d’images sur lesquels puissent se construirez une identité et une représentation du monde.

Préparation du narrateur

« Cette préparation est de première importance. Le narrateur doit personnellement avoir le sens du mystère, de la grandeur, et de la présence de Dieu à travers l’histoire qu’il raconte. Il est bon si possible d’entre un narrateur expérimenté raconter le récit avant de se lancer. Il est nécessaire de lire le passage dans la Bible, de le méditer et de s’en imprégner. Une fois que l’on sent que l’histoire a pris forme en soi, on peut lire la présentation et les instructions concernant la manipulation du matériel. Après il faut s’entraîner à manipuler le matériel sans dire un mot. Ensuite seulement on peut recommencer en racontant l’histoire. Alors l’esprit et le corps, la mémoire et le mouvement se combinent pour raconter l’histoire. Les adultes oublient combien on peut apprendre avec le corps et redécouvre cette capacité en racontant l’histoire avec le matériel. Les enfants au contraire sont très conscients de cette capacité. Parfois en écoutant et regardant l’histoire, ils se mettent à bouger les mains pour imiter les gestes du narrateur.
Lorsque vous pratiquez, gardez les yeux sur le matériel. Vous êtes entrés dans le monde du récit. En levant les yeux vous sortirez de ce monde. Puisque le but est de faire entrer les enfants dans cette histoire, vous éviterez aussi tout échange de regards pendant la présentation.
Quand vous parlez, faites le avec une économie de mot pour éviter de distraire les enfants ou de créer de la confusion par une multitude de détails. Vous devez aussi porter attention au son et au rythme de votre voix. Parlez lentement pour que l’enfant puisse entendre et se représenter le mot.
 

Dieu, l'enfant et nous

Sur une question aussi intime et personnelle que l'activité religieuse, nous pouvons avoir une difficulté à déterminer comment il est souhaitable d'accompagner l'enfant dans sa croissance spirituelle. Entre lui imposer une "astreinte" religieuse quotidienne et le laisser sans nourriture jusqu'à ce qu'il choisisse totalement de lui-même un éventuel chemin spirituel, y a-t-il une alternative qui respecte l'enfant et ses aspirations?
C'est un sujet complexe. Nous ne donnerons que quelques pistes de réflexions qui sont le fruit d'expériences religieuses parmi les enfants.

Voilà deux mois, nous avons vécu l'histoire suivante. Une petite fille vient chez nous et joue dans la chambre de notre fils. Soudain, son regard se fixe. Elle aperçoit un petit crucifix. Elle le prend dans ses mains, me regarde et me dit: "tu crois en Jésus". Je réponds "oui". Elle reprend: "mes parents n'y croient pas mais moi si car sans lui tout s'effondrerait autour de nous". No comment...

Maria Montessori rapporte dans le premier volume de sa Pédagogie scientifique une histoire semblable. Un enfant n'ayant reçu aucune éducation religieuse fonds un jour en larme en disant:"Ne me grondez pas; en regardant la lune, j'ai senti la peine que je vous ai faite et j'ai compris que j'ai offensé Dieu".

Dans son ouvrage intitulé "Le potentiel religieux de l'enfant", Sofia Cavalletti (une disciple de Maria Montessori qui a consacré une large partie de sa vie à la pédagogie religieuse) relate d'autres expériences de ce type. Elle rapporte qu'un petit garçon de cinq ans nommé Francesco demande un jour à a mère: "Qu'aimes-tu le plus, moi ou Dieu"? Sa mère, non croyante, lui répond: "c'est toi que j'aime le plus". Et le petit Francesco de la reprendre:"Je pense que c'est une grosse erreur".

En ce domaine, plus encore qu'en tout autre, il nous faut laisser de côté nos à priori d'adultes et recourir à l'observation pour découvrir les lois du psychisme de l'enfant. Tout le temps de la grossesse devrait d'ailleurs nous aider à porter un regard juste sur lui. Nous parlons facilement de "notre" enfant. Mais, nous savons bien que notre action volontaire apporte peu au développement embryonnaire. L'âme d'un enfant est un mystère qui nous échappe. Mais, comme la sage-femme qui sait accompagner la vie jusqu'à la naissance, nous avons pour mission de servir le développement de sa personnalité. Nous ne sommes pas les constructeurs de sa vie, nous en sommes les serviteurs.


Afin de pouvoir accomplir cette mission, il nous faut partir à la découverte de l'enfant. Lui-même nous montre le chemin que nous pouvons emprunter pour servir son développement. C'est en comprenant toutes les lois physiologiques, psychiques et spirituelles qui le tissent que nous pouvons lui apporter l'aide qu'il recherche.

Quelles sont donc les traits qui caractérisent l'embryon spirituel qu'est l'enfant?
  1. L'enfant montre une capacité d'émerveillement permanente: un rien peut l'étonner (c'est à dire frapper son psychisme comme un coup de tonnerre) et absorber son regard un long moment.
  2. L'enfant est un être qui cherche l'amour dans la relation: il semble en avoir un besoin infini qu'aucune présence humaine ne parvient à combler. Pour autant, il nous prend facilement dans ses bras et peut parvenir à nous consoler.
  3. L'enfant possède un mode de connaissance unique: il formule souvent des questions et des réponses qui nous laissent sans voix comme s'il possédait un don prophétique capable de nous remettre au contact de la vérité.
  4. L'enfant est un être de prière: il la connaît dans sa forme la plus pure et théocentrique dans les actes de louange spontanés et d'action de grâce.
L'adulte, qui apprend à observer ces notes caractéristiques de l'esprit des plus petits, trouvera l'attitude juste qui lui permettra de guider leurs pas sans enfreindre leur liberté. Il verra aussi que la sentence de Jésus de Nazareth "si vous n'êtes pas comme ces petits enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux" contient une information de type scientifique sur les lois de développement spirituel de l'être humain. L'enfant semble plus que nous conscient de son origine. C'est peut-être ce que leur reconnaît particulièrement Celui qui s'est dit "Venu de Dieu"...

Montessori et le développement spirituel de l'enfant

Maria Montessori est une catholique qui a beaucoup réfléchi à la question du développement spirituel de l'enfant. Son anthropologie a clairement une finalité spirituelle. Ses travaux et ses nombreuses observations pédagogiques lui ont permis de mettre à la disposition des plus petits les trésors de la Liturgie et de la Bible.
A l'heure actuelle, des thèses s'écrivent à travers le monde pour mettre en lumière l'apport de Maria Montessori en matière de pédagogie religieuse. Car, son œuvre pédagogique est aussi une mine de découvertes pouvant servir au développement spirituel des enfants. L'une de ses observations fondamentales peut se résumer ainsi: les enfants ont manifestement une capacité profonde à respecter et à aimer la vie; ils ont par ailleurs la faculté de reconnaître son Auteur en s'évitant les cheminements souvent laborieux du pèlerin adulte...
"La religion elle-même n'est pas quelque chose qui  doit être donnée à l'enfant; ce n'est pas quelque chose qui doit être enseignée. Les hommes sont religieux depuis le commencement de l'histoire, toutes les cultures primitives avaient une langue et une religion. Nous savons que que le sentiment de l'existence de Dieu existe dans le cœur de l'enfant. Ce n'est pas conscient, mais c'est bien là et cela ne peut être perdu bien que cette réalité puisse être obscurcie. C'est quelque chose qui demande à grandir doucement. Le plus important est de ne pas interférer. Le plante ne pourra en effet fleurir si une main impatiente vient en détruire les bourgeons. Nous devons regarder attentivement cette plante, lui donner les conditions optimales de croissance, la protéger du froid et des mauvais temps, mais nous devons surtout avoir la patience de la voir croître en son temps et selon son propre chemin".
On le voit, pour Maria Montessori l'éducation religieuse est bien loin d'être une impérieuse prescription morale. Elle est d'abord la reconnaissance du germe divin qui repose dans l'âme de l'enfant. Comme dans tout le reste de sa pédagogie, Maria Montessori identifie les périodes sensibles afin de donner à l'enfant la nourriture adéquate. La nature est si bien faite qu'en informant le jeune enfant des réalités religieuses, on évitera d'en faire un idéologue ou un réceptacle de formules dogmatiques. Un temps viendra où des connaissances plus abstraites viendront enrichir son terreau spirituel. Mais, au commencement, on évitera soigneusement de lui faire porter le poids d'instructions qui ne peuvent trouver écho dans son cœur. Ainsi se développera chez lui la conscience et le goût de la prière.
"Cette approche signifie que nous voulons donner la religion sous une forme que l'enfant puisse comprendre et qui corresponde à son stade de développement. Nous ne devons pas réduire la religion chez l'enfant à un acte de mémorisation de formules. En faisant ainsi, nous construisons une barrière qui empêchera l'enfant d'accepter, de comprendre et d'aimer les vérités qui lui seront présentées par la suite. La religion, dans l'esprit de l'enfant, ne devrait jamais être identifiée avec une leçon scolaire, des récitations et des interrogatoires. Il ne devrait pas l'associer à des faits mémorisables ou à des règles sujettes à obéissance. S'il pense la religion ainsi, jamais elle ne deviendra une réalité pour lui. La vraie religion n'est pas juste une information qui peut s'enseigner dans une classe à une heure donnée. C'est quelque chose de mystérieux et d'indicible qui peut être communiqué directement uniquement à de rares moments d'inspiration, mais qui s'exprime d'une façon médiate à travers les cérémonies traditionnelles".

Sur ce terrain délicat, Maria Montessori va une nouvelle fois faire preuve d'une audace marquée de ses observations scientifiques. En respectant la nature pré-conceptuelle de l'esprit de l'enfant, en accompagnant sa prise de conscience au contacte des expériences les plus simples de la vie, la doctoresse livre à nouveau une clé essentielle pour permettre à l'enfant de connaître une véritable germination spirituelle. Les formules trop tôt venues tarissent cette terre prometteuse. Seule l'expérience vivante permet à l'enfant de déployer son axe spirituel sans craindre que ses bourgeons encore fragiles ne soient balayés par la rationalité adulte.

La première sensibilité religieuse du petit enfant commence très tôt. Maria Montessori pensait même que les nourrissons pouvaient tirer un bénéfice spirituel de leur "participation" aux offices. "Ce qui est certain, c'est que de tous jeunes enfants ne manquent pas d'être captivés par la solennité et la richesse des cérémonies religieuses comme par les dimensions "vertigineuses" des édifices qui les abritent". Pour Maria Montessori, cette période est idéale pour que l'enfant s'imprègne des traditions liturgiques et développe le sens de la prière. A ce stade (0-6 ans), les enfants n'ont nullement besoin de comprendre la théologie qui sous-tend ces événements. La beauté des cérémonies et la multitude des gestes sacrés qui leur donnent vie suffisent amplement à combler leur cœur. 
Maria Montessori s'exprimait en ces termes au sujet de Noël dont la signification tendait déjà à se perdre: "Il est dommage que les enfants modernes manquent  la vraie signification de Noël en raison du trop grand nombre de distractions qui les en détournent". Elle regrette ensuite le temps de son enfance où, en Italie, la coutume voulait que l'on offre les cadeaux à l'Épiphanie.

"Le jour de Noël était consacré aux belles cérémonies auxquelles les enfants prenaient part. Ils étaient impressionnés de voir tant de gens quitter leur lit pour se rendre à la messe de minuit et célébrer la naissance de l'Enfant-Jésus. Ces enfants avaient la religion dans leur environnement; ils pouvaient l'absorber de la façon la plus naturelle qui soit. Le seul enseignement que l'on peut traduire par des mots à cet âge (0-4ans), c'est que Dieu a créé le monde, qu'il aime et prend soin de chacune de ses créatures".

Dans la période qui suit, lorsque les enfants commencent à développer leur sens moral notamment à travers de forts sentiments envers les plus jeunes enfants, la présentation de l'histoire de la nativité viendra à point nommé pour approfondir leur désir de connaître cet Enfant-Jésus. Par ailleurs, comme les enfants montrent entre 6 et 12 ans un grand intérêt pour les questions liées au "bon" et au "mauvais", il faudra multiplier les occasions de répondre et d'échanger avec eux lorsque des situations se présenteront. Les principes de vie que l'enfant pourra alors dégager de ces expériences s'enracineront bien plus profondément qu'un pur exposé de normes morales. Une fois reconnus par l'expérience, ces principes de vie serviront de guide au futur adolescent qui sera moins facilement sujet aux sirènes de l'opinion populaire. Ainsi dans la pédagogie Montessori, le développement moral ne passe pas principalement par des leçons, mais par l'expérience dans le cadre de la vie sociale. Les principes extraits de l'expérience seront alors une véritable boussole qui guidera l'enfant concrètement au fil des situations rencontrées. Cela lui donnera petit à petit une réelle capacité à s'affirmer au milieu des autres mais aussi la faculté de répondre aux problématiques qui se poseront au sein des groupes dont il fera partie.

Enfin, Maria Montessori a longuement insisté lors des ses nombreuses interventions, sur la nécessité d'impliquer les mains de l'enfant dans son développement spirituel. C'est à partir de ce principe que la pédagogue a déployé un puissant enseignement religieux basé à titre principal sur la culture liturgique.
"Je reconnais que lorsque les mains et l'esprit ne sont pas unis, il n'y a pas unité de l'individu et de là vient notamment les mauvaises tendances. Cette conclusion est le fruit de mes observations. C'était un nouveau facteur qui m'est venu comme une lumière. Peut-être est-ce difficile à comprendre.C'est probablement la raison pour laquelle nous vivons dans un monde de vertus et de vices qui sont récompensées ou punis, et que les enfants qui montrent de profonds défauts n'ont tout simplement pas eu l'occasion de s'exprimer justement d'une autre manière". Leur énergie psychique s'est tout simplement dispersée, se retournant contre eux et contre leur environnement...

C'est à Barcelone que sa première expérience d'environnement religieux fut mis en œuvre. "La premier mouvement consista à préparer dans l'Eglise un lieu qui soit adapté à leurs proportions. Nous l'avons meublé avec des petites chaises, et nous avons placé le bénitier à la hauteur des genoux d'un adulte. Des petites images ont été suspendues en bas qui changent selon les temps de l'année..."

Montessori poursuit en écrivant:
"Il est apparu, presque à notre grande surprise, un fruit de notre méthode que nous n'avions pas prévu. L'Eglise est ainsi le but vers quoi tend la plus grande part de la méthode que nous dispensons. Certains exercices qui, dans les écoles, ne semblent avoir aucun but précis en dehors, trouvent leur application ici. Le silence, (comme le jeu du silence) qui a préparé l'enfant à rentrer en lui-même, devient le dispositif de retenue intérieure à vivre dans la Maison de Dieu."

Et de conclure: " Religieux, et libres dans leurs opérations intellectuelles et dans le travail qui leur offre notre méthode, les petits montrent qu'ils sont forts en esprit. Ayant grandi de cette manière, ils ne montrent ni timidité ni crainte. Ils manifestent une agréable confiance en soi, le courage, une connaissance calme des choses, et avant tout, la Foi en Dieu, l'Auteur et conservateur de la vie. Les enfants sont tellement capables de faire la distinction entre les matières naturelles et surnaturelles que leur perspicacité nous a donné l'idée qu'il existe une période particulièrement sensible à la religion. L'âge de l'enfance semble être lié étroitement à Dieu, comme le développement du corps est strictement dépendant des lois naturelles qui le transforme à ce moment là".

Maria Montessori a écrit la prière suivante qui peut nourrir l'éducateur comme résumer son programme de vie au service de l'enfant:
"Aide-moi, Seigneur Jésus-Christ,
Toi qui a appelé à toi les enfants,
A les connaître,
A les aimer,
A les servir, 
Selon les lois de ta justice et de ta volonté, 
Toi qui les a créés"